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Banditisme: Annaba invivable

Publié le 02/11/2008

Il a fallu de peu pour que ces derniers dimanche et lundi, la population du quartier des Orangers, dans la très populeuse cité de la Plainte ouest de Annaba, provoque une émeute.
Une femme de mauvaises mœurs, selon une plainte déposée par ses voisins au tribunal, aurait ameuté une bande de délinquants. Ils avaient pour mission d’intimider avec leurs armes blanches les habitants qui, solidaires, ne s’étaient pas laissés faire. L’intervention des policiers et celle des sages du quartier a calmé quelque peu les esprits. Mais tant qu’une solution n’est pas trouvée à cette grave affaire, source d’inquiétude et de préjudice moral causés aux familles, la situation restera tendue dans ce quartier. Quelques jours auparavant, sous la menace d’un couteau de boucher, un policier en visite à Annaba avait été attaqué par quatre malfrats qui réussirent à lui enlever son arme de service. Avant lui, un commissaire et son adjoint avaient été tabassés par deux énergumènes dont un jeune de 30 ans. Cette tentative de provoquer une émeute et ces agressions avaient été précédées par une descente d’une vingtaine de truands armés de sabres à la Colonne. Durant une demi- heure, la bande de malfrats avait agi en terrain conquis sans que celan entraîne une quelconque réaction. Et comme pour confirmer que Annaba est devenu véritablement la capitale du banditisme en tout genre, la police judiciaire de la sûreté de Annaba met hors d’état de nuire, durant la même période, une bande spécialisée dans la contrefaçon de billets de banque et de documents officiels. De leur côté, les éléments de la gendarmerie ont eu fort à faire dans la périphérie en pourchassant les délinquants et trafiquants de drogue, psychotropes et autres spécialistes de la traite des blanches. Ces dernières quarante- huit heures, ils ont démantelé un important réseau spécialisé dans le vol des câbles téléphoniques, électriques et autres produits ferreux. Le chef du réseau n’était autre que le comptable de la résidence 2000-lits de Chaïba (commune de Sidi Amar). Au même tire que douze autres dans la wilaya d’Annaba, la gestion de cette structure d'hébergement, restauration et transport des étudiants est frappée de suspicion. S’ils ne sont pas sous mandat de dépôt, leurs principaux animateurs sont sous contrôle judiciaire ou font l’objet d’une instruction judiciaire. Annaba (ville et périphérie) n’est pas seulement réputée pour l’insécurité qui y règne de jour comme de nuit. Sa réputation d’être la ville la plus sale d’Algérie a dépassé les frontières du pays. Crise de chômage, de logement, exclusion, perte de repères, fuite des valeurs, croissance des disparités, mal vivre... La liste des symptômes sociaux décrit actuellement une vraie pathologie collective. La situation n’est pas près de s’améliorer avec un secteur économique très malade et un appareil productif en panne. Les Annabis ont un niveau de vie qui ne supporte plus la comparaison avec les autres régions. Sa population juvénile est totalement livrée à ellemême. Le phénomène de la harga a bouleversé les familles, malmené l’identité collective et tiraillé le tissu social, au point parfois de le déchirer. D’où la constitution de groupes de délinquants de plus en plus nombreux animés par des repris de justice dans l’incapacité de s’inventer un projet. «Ces trois dernières années, Annaba s’est profondément modifiée. Aujourd’hui, elle réunit tous les ingrédients pour une révolte. Le banditisme s’est installé dans la durée. Même le milieu scolaire, lieu de socialisation par excellence, n’est plus respectueux de la ligne de conduite traditionnelle. Il offre l'illustration de la disparition de la cohésion familiale», se plaisent à répéter les sociologues de l'université Badji-Mokhtar. Répudiée par son mari pour une question de salaire qu’elle aurait refusé de lui remettre, une mère de 3 enfants s’est donné la mort. Elle s’est jetée du haut des 5 étages d’un immeuble du centre-ville. Il s’agit là d’un exemple parmi tant d’autres du poids de la résignation. Cette dernière a élu domicile dans le milieu de la jeunesse des deux sexes. Drogue, prostitution, délinquance reviennent comme un leitmotiv dans les discussions. Faute d’emploi, de logement, de stabilité, les mariages se font de plus en plus rares. A Annaba, l’âge moyen pour fonder un foyer est de 35 ans. Les cas de divorce beaucoup plus liés aux difficultés de la vie qu’à l’incompatibilité d’humeur sont en progression. Les atermoiements et la politique de reculades, les promesses non tenues, la bureaucratie généralisée partout dans les institutions de la République, la corruption ont fourvoyé l’intérêt général dans des querelles d’intérêts particuliers. En 2008, les affaires d’agressions, vols, crimes, corruption, détournements et dilapidation des deniers de l’Etat... se sont multipliées au moment où l'université se transforme en antichambre du chômage. Dans les cités, quartiers et banlieues, la dérive des jeunes se poursuit et la situation urbaine a atteint son paroxysme. «J’ai raté mon bac en 2005. Depuis, et après avoir vainement cherché du travail, j’ai été obligé de vivre d’expédients. D’abord dans le gardiennage des voitures puis dans les vols à la roulotte et à la tire. J’ai bien envie d’arrêter mais quand je vois d’autres jeunes de mon âge avoir tout à leur disposition, je ne me retiens plus. Les risques d’être pris et de finir en prison ne me font pas peur. Je serai mieux dedans que dehors», considère Badro, un délinquant habitué du marché El Hatab. Il a tenu à affirmer qu’il s'est mis au vol des portables. C’est dire que le mal du banditisme se généralise. Au point où face à l’impuissance des services publics d’assurer leur sécurité, des habitants pensent à se protéger. C’est le cas pour ceux de la cité des Orangers qui ont décidé de constituer un groupe de vigiles. Dans le milieu des comités de quartier, l’on s’alarme de l’ampleur du fossé qui se creuse à Annaba entre les nantis et les exclus, ceux qui s’en tirent en vivant d’expédients et ceux qui s'enfoncent dans le banditisme. «Notre jeunesse s’est lentement détachée de la communauté. Exclue de l’emploi, des revenus, des soins et du logement, elle dérive vers les zones hors-la-loi. Beaucoup ont tenté l’aventure de la traversée clandestine de la Méditerranée. Nombreux sont ceux que la mer a avalés. Aujourd’hui à Annaba, l’on est loin de la société fidèle à cette image, forte et tranquille, unie autour de ses clochers, propre à la population de la capitale de l’Edough. Cette image s’est transformée en un individualisme forcené. Le chacun pour soi y est cultivé jusque devant le chez soi. Annaba est aujourd’hui une ville angoissée et fragile.

 Le soir d'Algérie > 02/11/08 > A. Djabali

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