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Annaba: Orchestres féminins d’autrefois

Publié le 01/04/2013

Les orchestres féminins bônois sont nés il y a fort longtemps. Aussi les festivités d’autrefois étaient célébrées somptueusement. En ce temps là et jusqu’à nos jours, on les nomme les fkirettes. Toutefois, bien avant les fkirettes, il y avait les « benoutette », ensemble de musiciennes qui chantaient et jouaient avec des instruments à corde tel que le violon. Constantine avait ses « benoutette » aussi, dont la regrettée Zhor el Fergani fille d’une lignée de musiciens et musiciennes, sœur du chantre du malouf El Hadj Mohamed Tahar Fergani. Ce genre de musiciennes existait en grand nombre en Tunisie. Elles jouaient avec tous les instruments, chantaient et animaient toutes les réjouissances et même se produisaient dans les « cafés chantants » que l’on appelait chez nous « café chanta ». L’orchestre fkirette utilise les instruments à percussion comme le bendir, la deffa (tar) ; seulement, jadis, la derbouka était employée pour donner plus de son. Ces groupes étaient composés de huit à dix dames, la plupart âgées de cinquante ans et plus dont la responsable ou raïssa veille sur le comportement de chacune, elle-même donnait toujours le bon exemple. Toujours souriantes, bien mises, mettant en relief l’habit traditionnel : belles gandouras en soie, velours ou brocard, foulards au ftoul (fil pendant) assortis, maintenus d’une chéchia simple ou parsemée de pièces de monnaies (soltani ou louis), quelques bijoux simples embellissant leur cou et leur bras, les yeux maquillés au khol, les mains, les pieds et les cheveux rougis au henné, dégageant des odeurs agréables grâce au parfum d’ambre ou de musk avec lequel elles s’imprégnaient. Ces dames avaient de la classe et toute la population annabie les aimait. Très populaires, elles animaient toutes les fêtes avec joie, néanmoins, elles devenaient pleureuses lors des funérailles des êtres chers des familles d’antan ; alors à haute voix, à l’unisson, sous forme de poésie ou madih, elles font l’éloge de la personne disparue, du « douaa » et reviennent de temps à autre durant quarante jours pour soutenir et réconforter les personnes endeuillées. Leur répertoire est composé de chansons malouf, madih, madih dini (chants religieux), de chants sacrés rendant hommage à des imams ayant enseigné le Coran à la population autochtone, à des marabouts qui sont en fait des savants, des hommes de culture, des hommes très pieux… Grâce à leur savoir, ils sont honorés vivants, une fois morts, on leur construit une kouba et alors des fidèles de toutes générations leur rendent visite, se recueillent sur leur sépulture et psalmodient le Coran en leur mémoire. Cependant, les femmes leur font des offrandes en leur sacrifiant des volailles, des caprins ou des bovins, préparent du couscous et régalent les « ziar » (visiteurs) qui sont de passage, les invités et tous les pauvres gens. Ils sont vénérés donc en hommage au bien qu’ils ont fait sur terre. Les bonnes fkirettes chantent leur mérite et leur font beaucoup d’éloges. Lorsqu’elles commencent à animer n’importe quelle cérémonie, elles débutent toujours par évoquer le Prophète (QSSSL) « Essalat alla Mohamed » puis elles entament des madih sur sidi Abdelkader el Jilali, sidi Brahim Bentaoumi, Ras el Hamra (marabouts du bord de mer), sur ceux du djebel Edough : Baba Abed, Benmansour, Benotmane… ceux de la vieille ville, sidi Khelaif, sidi Sayed, sidi Belaïd… ceux de la plaine sidi Bouhdid… Pendant le madih, les femmes dansent jusqu’à perdre conscience. Les musiciennes les plus connues et les plus aimées des Annabis du siècle passé étaient « El marhoumate » et raïssate suivantes :Fatma Bent el Abassi, Yamina bent Bourafa dont la fille Bentkia perpétue encore tous les madih, les kassaïd… Zoubaïda bent Toto, Bibia bent el Annab, femme élégante portant toujours du jasmin ou des œillets au coin de l’oreille, Sacia bent el Fadaoui, les sœurs bent el Rouabhia dont Bariza, la plus jeune, était la chef du groupe, vivace, émérite, elle laissa plusieurs chansons de sa composition dont l’une parlant d’elle : « y rayrouesirou roudouni ba (bis), Bariza taouila qui orf el yass, jabatha rabhia bah etzahinass… » Des accompagnatrices et joueuses de bendir et deffa faisaient partie toujours des groupes et qui avaient œuvré dans le domaine, avaient aussi leurs admiratrices, celles-ci se mettaient toujours à l’écart des « raïssa », cependant sans elles, la chorale n’aurait jamais existé telles khalti Sacia bent el Fadaoui, grande dame au cœur d’or, vraie mémoire de Bouna, Khalti Halima el Guelmia, khalti Khadoudja bent Ambra, el Hadja Remaki et Fatma bent Ben Ouali… La raïssa Jamila Bent El Annab succéda à sa mère. Elle fut pendant deux ou trois décennies le rossignol de la ville du jujube. Musicienne née, instruite, ayant une voix chaude et rauque, elle fut après la libération de notre pays la star, la chanteuse la plus en vogue. Elle perpétua notre patrimoine jusqu’à sa disparition. La seule qui sauvegarde ce patrimoine ancien est El Hadja Bentkia bent Bourafa. Héritière d’une lignée d’artistes, experte dans l’art du rythme et de la percussion, elle fait encore durer le chant ancestral. Elle détient tout le madih, chant, malouf, Kassaïd, poèmes, tasdirate l’arroussa aux fiançailles, au bain maure, au mariage, à toutes les cérémonies traditionnelles arboune, concert pour le début de soirée, du milieu de la nuit, concert de l’aube (aubades), chanson sur des sujets tendres et touchants… Les fkirettes, dames âgées d’antan, analphabètes, ont su préserver de génération en génération notre riche passé depuis des siècles. La mémoire de Bouna doit survivre aux mutations que connait notre époque et qu’elle soit ouverte aux autres cultures de notre grand pays.

L'EST - 01/04/2013 - Hadja Yasmina Dehimi

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Les Commentaires

"Encore une bonne nouvelle"...Tant mieux pour nous...par moment notre culture se réveille et c'est bon pour le moral...Onen redemande...ya Madame Yasmina et encore MERCI.
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