Annaba: Conférence de Med Salah DEMBRI - Eclairages sur l’affaire des otages américains

Le rôle de l’Algérie dans le dénouement de l’affaire des otages américains en Iran, longtemps minimisé sinon pas du tout évoqué dans les nombreux écrits et documentaires sur le sujet, a été au centre de la conférence animée hier par M. Med. Salah DEMBRI, au niveau de l’Ecole des Sciences Sociales et de l’Economie d’Annaba.
 Le conférencier, secrétaire général des Affaires Etrangères de 1979 à 1982 était au centre des faits, sous la direction de feu Med. Seddik BENYAHIA, alors ministre des AE. Autant pour l’histoire que pour les participants, le conférencier a évoqué les dessous de la politique secrète de l’Algérie durant cette crise et le rôle du ministre des Affaires étrangère dans le dénouement final.
A ce propos il reviendra largement sur la vie et la vision politique du défunt BENYAHIA, son passé de révolutionnaire ainsi que sur le statut de puissance régionale et arabe de l’Algérie. Le contexte de schisme Nord-Sud, les revendications des pays du tiers- monde autour d’un nouvel ordre économique mondial et du droit international, ont aussi été évoqués par le conférencier, pour cerner le contexte politique mondial, prévalant, durant cette crise et expliquant le pourquoi du choix de l’Algérie par les parties en conflit et même par l’Europe, inquiète de ses intérêts en Iran. Il rappellera d’abord les difficultés d’une médiation de bons offices sans aucune officialisation, dès le début de la crise.
 L’Ambassade américaine avait été investie par les étudiants iraniens le 4 novembre 1979, en réponse à l’hospitalisation du Shah d’Iran aux Etats-Unis et les Américains étaient partagés entre faucons et colombes alors que l’Ayatollah KHOMEINI avait émis une fetwa interdisant à tout Iranien de négocier avec les Américains. Malgré cela, l’Algérie parvint, dès le début à faire libérer 18 otages dont 13 Américains, avant que l’affaire s’enlise, faute de stabilité institutionnelle en Iran, les interlocuteurs n’étaient jamais les mêmes et faute d’un consensus américain sur le choix d’une option claire. En plus le Conseil de sécurité de l’ONU avait émis un ultimatum enjoignant à l’Iran de libérer les 52 otages retenus.
 Cela donna lieu à la rupture des relations entre l’Iran et les Etats-Unis puis à une opération militaire américaine qui échoua lamentablement. Le conférencier évoquera aussi les rôles de médiateurs qu’endossèrent diverses personnalités politiques de l’époque et les rôles douteux d’intermédiaires, plus ou moins intéressés, dans une crise où les risques de conflagration mondiale étaient certains. Jusqu’au moment où l’Algérie fut pressentie pour un rôle de médiateur officiel y compris par la communauté européenne, ce qui déboucha par l’accord d’Alger, janvier 1981, la libération des otages contre 7,987 milliards de dollars d’avoirs iraniens aux Etats-Unis et l’assurance qu’il n’y aurait pas de représailles.
 Emaillées d’anecdotes et de faits précis sur le déroulement, des dates et des noms, la conférence de Med. Salah DEMBRI a permis de lever le voile sur cette affaire, d’éclairer sur le rôle réel de l’Algérie et surtout de mettre fin, un tant soi peu à la politique du secret entretenue par l’Algérie. Elle éclaire aussi sur la politique du repli sur soi engagée après cela et la rupture avec la politique de leadership régional et arabe qu’entretenait l’Algérie avant la mort de Boumediène. Autant d’indicateurs qui expliqueraient, peut être, les déboires sous l’ère Chadli et ce qui s’ensuivit.

L'EST - 28/04/2013 - Ammar Nadir