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Annaba: Émigration clandestine - L’appel de la mer encore puissant

Publié le 13/09/2014
 	Plusieurs opérations de sauvetage ont été opérées ces dernières semaines. Après une «trêve» de près de trois ans, les tentatives de «harga» ont repris de plus belle depuis le mois d’août dernier au large de Annaba et des villes côtières voisines.
Le mois d’août a été marqué par la reprise des tentatives de quitter en masse le pays à travers les côtes de la wilaya de Annaba. En effet, plusieurs opérations ont permis d’intercepter plus d’une centaine de candidats à l’émigration clandestine, ceux-ci ont été arrêtés et présentés devant le procureur près le tribunal de Annaba. Ils ont été condamnés à des amendes de 30 000 DA chacun. Force est de souligner, cependant, que la reprise de cette activité risquée de traverser la Méditerranée sur des embarcations artisanales intervient après une accalmie qui aura duré plus trois de  années.
Qu’est-ce qui motive les jeunes à quitter le pays clandestinement pour l’Europe, un continent en pleine crise économique ? A cette interrogation, plusieurs jeunes harraga avec lesquels El Watan a pris attache expliquent leur choix. Pour eux, «au pays où règnent la corruption, le chômage, la hogra et le célibat, il ne fait plus bon y vivre. Sous Bouteflika, qui dirige notre pays à son quatrième mandat, nous avons connu tous les maux. Il faut partir, il n’y a plus d’espoir !» Iheb, un jeune chômeur de 24 ans, qui réside à la cité populaire, Plaine Ouest (ex-Les Allemands), ne voit pas d’autre issue. Accoudé au  comptoir d’une cafétéria, boulevard d’Afrique, en face de l’arrêt de bus menant vers le centre-ville, il a affirmé en gesticulant : «Cette option demeure l’ultime solution pour se dégager du goulot d’étranglement qui dans notre pays.»
Bien qu’il soit «branché», baskets, tee-shirt, jean usé, coupe à la Ronaldo, le désespoir est perceptible sur son visage, à fleur de l’âge. «Je suis déçu d’avoir été arrêté par les gardes-côtes qui, par leur action, ont mis fin à un rêve que j’entretenais depuis plusieurs années : celui de bâtir un avenir en Europe que je n’ai pas pu réaliser en Algérie», abonde Heb Heb comme aime l’appeler son copain qui partageait avec lui un café sur le même comptoir. Un constat que semble partager sa génération, puisque Adem, son copain de 25 ans, n’est pas étranger à cet état d’âme.

L’ansej... et alors ?

Licencié en électrotechnique, il se dit dégoûté de cette vie en Algérie, car il n’arrive pas à décrocher un travail. Lui qui partage un F3 avec ses parents et une fratrie de cinq jeunes ne voit plus le bout du tunnel. Cette volonté renouvelée de quitter l’Algérie par n’importe quel moyen est expliquée également par Saâdi Kamel, un jeune harrag de la cité populaire Didouche Mourad (ex-Laurier rose) de Annaba, qui a tenté à plusieurs reprises de quitter, sans succès, le pays.

«Le bilan de ma vie est plus que négatif. Je suis un célibataire endurci de 45 ans, sans emploi et sans logement. Je ne regrette pas d’avoir quitté tôt l’école, puisqu’en Algérie, les médecins et les ingénieurs sont au chômage. La seule alternative est de tenter ma chance sous d’autres cieux plus cléments. J’ai risqué à trois reprises la harga, mais à chaque fois je me suis fait arrêter par les gardes-côtes et condamné par la justice. Franchement, je ne suis pas près de baisser les bras et je retenterai ma chance», résume, non sans peine, ce jeune.

A la question pourquoi il ne monte pas sa petite entreprise via les dispositifs d’aide qu’offre l’Etat aux jeunes chômeurs, tels que l’Ansej, Kamel rit longuement. «Vous croyez que décrocher un projet dans le cadre de l’Ansej est une solution. La majorité de mes amis ayant tenté ce filon sont actuellement poursuivis en justice pour non-remboursement de dette. Avoir un projet Ansej ne suffit pas. Ce sont les projets qu’il faut avoir après pour réussir son activité. Pour les avoir, il faut corrompre avec de fortes sommes d’argent ceux qui sont en charge à l’administration. Je n’ai pas les moyens, donc ce n’est pas évident. Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, a déclaré à Annaba, lors d’un meeting à la veille de la présidentielle, d’éponger les dettes des jeunes bénéficiaires de l’Ansej en difficulté,  ce n’était qu’une promesse électorale. Les huissiers de justice harcellent toujours les jeunes endettés pour régler leur dû, qui souvent se multiplie par deux par mesure de pénalité.»

A ses côtés, Imad Douaoui, en survêtement et tongs, sirotant un «zindjabil», une cigarette entre les doigts, confirme les propos de son ami en s’interrogeant : «Que voulez-vous qu’on fasse ? A défaut d’un minimum pour un avenir décent dans notre riche pays, il faut chercher ailleurs. C’est légitime. Je connais plusieurs amis qui sont partis via des embarcations et  y sont arrivés. Certes, ils peinent les premiers temps mais ils finissent par réussir. En Algérie, il faut peiner toute sa vie sans réussir.» Sur la question du durcissement de la loi contre l’acte de quitter l’Algérie clandestinement, les deux jeunes ne sont pas impressionnés.

D’un ton ironique, Imad, qui est également récidiviste en matière de harga, réplique après avoir écrasé son mégot : «Cela s’apparente à la situation d’un condamné à mort qui subit une autre peine de prison. Nous sommes déjà condamnés à mort dans une prison à ciel ouvert. Une autre peine de prison ferme ne changera rien à la situation.» A Annaba, la harga n’a jamais cessé avant et après le durcissement de la loi. La placette Alexis Lambert, qui est le point de chute des candidats à l’immigration clandestine de Annaba et d’ailleurs, les «programmes de départ» affichent complet.Ils dépendent seulement des conditions climatiques et des mesures sécuritaires imposées.

Les multiples coups de filet qui y ont été réalisés par les services de sécurité n’ont pas réussi à juguler le phénomène.
Depuis le mois d’août, il ne se passe pas un jour sans que l’on évoque ici et là un départ de jeunes depuis les différentes plages de Annaba. Rares sont ceux qui arrivent à bon port, souvent arrêtés par les gardes-côtes et parfois portés disparus.      
 

El Watan - 13/09/2014 - Gaidi Mohamed Faouzi

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