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"JIJEL Richia ses courbis et ses oubliés"

Publié le 22/01/2019
Publié par Bouhali Mohammed-Cherif le 22.01.2019 , 11h00 LSA (En ce mois de janvier où sévit un froid glacial, nous avons pris la direction de la localité de Richia, relevant de la commune d’Ouled-Rabah, située à plus de 100 km à l’est du chef-lieu de la wilaya, sur une altitude de plus de 1 300 mètres. En cette conjoncture de doute et d’incertitude politique, les autorités locales mènent leur campagne électorale à leur manière en promettant monts et merveilles aux habitants des régions déshéritées, en déployant un travail de proximité en direction des populations des régions enclavées fortement touchées par l’exode des années 90. Un exode qui a laissé des séquelles sur le plan socioculturel et son impact sur la mutation sociologique du monde rural qui demeure une carte électorale pour nos responsables, faute d’une prise en charge sérieuse. Richia est une localité montagneuse située au fin fond des monts de la région de Ouled-Rabah. Elle a défrayé la chronique locale ces derniers mois suite à un reportage réalisé par un confrère qui a mis à nu la gestion incohérente de certains responsables locaux du monde rural qui est livré à lui-même. Très loin des caméras de l’ENTV qui ne couvrent ces collines oubliées que lors des élections ou pour parler des «injazat». Loin de cette image idyllique et surfaite, les gens de Richia survivent dans des conditions de vie inhumaines. Une quarantaine de familles qui s’entassent toujours dans des taudis et des gourbis qui nous font rappeler une triste époque et ses aspects de désolation, de misère et un dénuement total. «Rana maâdebine bezzaf fakerou fina, lazzem eddoula taâwena, elmiziria oual berd», nous a affirmé un jeune chômeur rencontré lors de notre passage dans cette contrée. «Depuis l’indépendance, je n’ai jamais bénéficié de l’aide de l’Etat, même pas d’un clou», a pesté Salim, la quarantaine, fellah de son état dans cette région où la misère, la pauvreté et la désolation se conjuguent au présent. Tout au long de notre trajet sur le CW41, qui se trouve dans un état critique, reliant la commune de Sidi Maârouf, chef-lieu de daïra, et la commune de Ouled-Rabah, nous avons aperçu des nouvelles constructions en dur qui poussent dans des mechtas éparses. Renseignement pris auprès du maire, c’est l’impact des aides à l’habitat rural. Par ailleurs, l’ex-directeur du logement nous a affirmé, le mois dernier, que ces deux communes, à savoir Sidi Maârouf et Ouled-Rabah, ont bénéficié de 17 % de l’ensemble du programme des aides à l’habitat rural de la wilaya qui totalise 28 037 aides. Des écoliers modestement habillés, cartables à la main au bord de la route en cette conjoncture où sévit un froid glacial. Un fait marquant lors de notre périple en direction de la localité de Richia, nous avons constaté qu’un grand nombre de mechtas sont toujours peuplées contrairement à de nombreuses régions montagneuses vidées de leurs populations durant les années 90. Son état et le quotidien des gens dans cette région alimentent les conversations de confrères avides de nouvelles de cette mechta symbole d’une Algérie à deux vitesses : celui de Sidi Yahia et ses oligarques et cette colline oubliée située sur 1 300 mètres d’altitude pour reprendre fidèlement l’expression de Mouloud Feraoun. Arrivé à Aldjo, nous avons rencontré un groupe de citoyens, dont un couple et sa fille, ils s’entassent dans un gourbis dont la toiture en «diss», dépourvu des conditions les plus élémentaires de vie : ni eau, ni électricité, ni assainissement sur une terre argileuse. Le wali, Far Bachir, entame une conversation avec ces oubliés. «C’est une fête car c’est le premier responsable de l’Etat algérien à nous rendre visite depuis plus de 50 ans d’indépendance», nous a confié avec fierté un quinquagénaire. Un peu plus loin, on voit deux autres gourbis où vivent deux cousins avec leurs familles. Nous avons été sidérés par l’état des lieux et la misère de ces braves gens affichant une certaine fierté de paysans dans cette contrée où la misère, la pauvreté et le dénuement sont maîtres des lieux. Ce relief accidenté et difficile accentue davantage le calvaire des habitants de cette région. «Sidi el wali, choufou fina», a demandé au chef de l’exécutif un habitant de ce douar sur un air calme, malgré l’hostilité de la nature. La route, l’électricité, l’école, la santé sont les maîtres mots des revendications de Abdellah, Omar et Youcef avec lesquels nous nous sommes entretenus à Aldjo. Ils sont retournés chez eux après l’exode des années 90. Ils ont décidé d’y rester mais à condition que l’Etat leur réhabilite la route reliant leur localité au chef-lieu de leur commune. Le dynamique président de l’Assemblée populaire communale, Abdelmalek Bouabdellah, essaie de faire bouger les choses avec les moyens du bord mais vainement. Wissam : «Je rêve de devenir enseignante» Elle s’appelle Wissam, âgée de 10 ans, elle est élève en 4e année primaire à l’unique école Bouyden-Madani, composée de trois classes et un bureau. Vêtue d’une blouse rose, d’une veste et d’un pantalon en jean, en compagnie de Fatima sa copine. Timide, tête baissée, gênée par notre présence dans la cour de son école. Une ambiance inhabituelle pour cette écolière visiblement issue d’un milieu modeste. Sur les visages de Wissam, Fatima, Nora se lisait une profonde tristesses, de misère des lieux éloignés. Comme on dit loin des yeux loin du cœur. Wissam, originaire de Aldjo, se lève quotidiennement à six heures du matin en cette conjoncture où sévit un froid glacial pour parcourir plus de 6 km à travers une forêt et son lot d’attaques de sangliers, en compagnie de Fatima afin de rejoindre sa classe à l’heure. Interrogée sur son souhait d’écolière, après moult hésitations, elle nous répond : «Heba nekhredj mouaâlima» («je veux devenir enseignante») sur un air souriant. Rencontré sur les lieux, Mohamed, originaire de la commune de Ouled-Yahia, est enseignant de langue française, il assure un programme de deux fois par semaine. Omar, la trentaine environ, originaire de la commune de Sidi Maârouf, enseignant de langue arabe et chargé de la gestion de cet établissement. Ils sont deux enseignants qui assurent la fonctionnalité de cet établissement scolaire dans des conditions difficiles. L’école primaire Bouyden-Madani est composée de trois classes comptant 13 élèves chacune, elle fonctionne avec des classes groupées. Ces classes sont propres et bien chauffées, bien entretenues. «Le maire de la commune est à notre écoute», nous a confié le responsable de cet établissement. Visitant les lieux, nous avons aperçu des citernes pleines de gasoil pour les chauffages pour faire face au froid qui sévit dans cette contrée dont les habitants bravent froid et dénuement. En prenant congé de Wissam et ses camarades, nous fûmes interpellé par un père de famille en colère : «Nos filles sont devenues analphabètes car elles étaient contraintes de quitter les bancs de l’école à un âge précoce. On n’a pas de CEM et de transport scolaire pour qu’elles puissent poursuivre leur cursus scolaire.» Et d’ajouter : «L’unique salle de soins de Richia est constamment fermée, faute de paramédicaux et de médecins, et nos maisons sont dépourvues d’électricité», a pesté ce père de famille qui est revenu chez lui après l’exode des années 90. Salim, la fierté d’un paysan Approché lors de la remise des aides aux 33 familles par les autorités locales et contre toute attente, Salim Boulkraâ, père de famille, nous parle sur un air joyeux : «Pour nous, c’est une fête car c’est le premier responsable de l’Etat algérien à nous rendre visite depuis l’indépendance.» Ce père de famille a également affirmé qu’il a été contraint de ramener ses deux filles et son fils chez ses parents afin qu’ils puissent poursuivre leur scolarité. Et de poursuivre : «Vous pouvez constater de visu notre quotidien, rana maâdebine bezzaf.» Notre interlocuteur a ajouté : «Notre préoccupation majeure, c’est la route. S’il y a d’autres projets de l’Etat marheba, sinon le désenclavement des localités de Richia et Adjo qui ont besoin dans l’urgence de la réhabilitation de la route qui va nous permettre de cultiver nos terres. Si vous avez un cageot de pommes de terre, vous aurez du mal à le transporter au village pour l’écouler. On est contraints de le transporter à dos d’âne sur une distance de 20 km, c’est une vraie misère. Je n’ai jamais bénéficié de l’aide de l’Etat même pas d’un clou depuis l’indépendance», nous a confié Salim sans rancune, soulignant qu’il est agriculteur de père en fils et qu’il ne peut pas vivre en ville. «Je ne suis ni médecin ni directeur pour vivre en ville, je suis fellah. J’aime vivre ici chez moi, mais on veut bien que notre Etat nous répare la route», a souligné ce paysan non sans fierté. «Si l’Etat nous aide dans la réhabilitation de la route reliant Richia au chef-lieu de la commune, les habitants pourront se prendre en charge, car ils y a des gens ici qui ont des moyens.» Sur le chemin du retour, les récits émouvants de Wissam, Fatima, Omar et Salim hantent nos esprits. Des récits qui expriment le quotidien difficile de ces oubliés dans cette contrée hantée par la malédiction de la géographie et l’insouciance humaine. Wissam et ses copines seront-elles demain la lumière qui éclaire le ciel de Richia ?) Bouhali Mohammed Cherif
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Les Commentaires

"De quoi pleurer? a lire absolument"

Un père de famille dit que c'est la première fois de puis l'indépendance qu'un responsable du gouvernement nous rend visite!...juste avant la période électorale!.
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