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"Emir Abdelkader ibn Muhieddine"

Publié le 20/04/2020
"Abdelkader ibn Muhieddine"Abdelkader ibn Muhieddine (en arabe : عبد القادر بن محي الدين (ʿAbd al-Qādir ibn Muḥyiddīn), aussi connu comme l'Émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi, né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la Régence d'Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, dans l'Empire ottoman, et plus précisément dans l'actuel Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre l'invasion française de l'Algérie au milieu du xixe siècle".
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"Emir Abdelkader"

Abdelkader ibn Muhieddine: (ʿAbd al-Qādir ibn Muḥyiddīn), aussi connu comme l'Émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi, né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la Régence d'Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, dans l'Empire ottoman, et plus précisément dans l'actuel Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre l'invasion française de l'Algérie au milieu du xixe siècle"

1. Introduction : le fondateur de la nation algérienne

L'émir Abd el-Kader, l'homme qui défia les armées françaises de 1832 à 1847 avant de créer les bases d'un véritable État algérien, est aujourd'hui considéré par l'Algérie indépendante comme l'une des figures les plus marquantes de son histoire. La noblesse de son attitude après sa capture et la protection très efficace qu'il apporta aux chrétiens de Damas à la fin de sa vie lui valurent aussi un très grand prestige chez ses anciens adversaires.

2. Les années d'enfance et d'initiation

2.1. Le moine soldat

Sa famille, originaire du Rif, s'était établie dans la région de Mascara, où son père, Mohieddine, était devenu, au début du xixe siècle, le chef spirituel d'une communauté qui manifestait son hostilité à la domination turque.

Abd el-Kader vient au monde dans un domaine de la plaine d'Erhis, sur l'oued al-Hammam, au sud-ouest de Mascara. Son éducation très pieuse ne néglige pas l'exercice des armes et, surtout, l'équitation, pour laquelle le jeune homme acquiert une grande réputation.

À vingt ans, il effectue avec son père le traditionnel pèlerinage à La Mecque. Puis les pèlerins vont jusqu'à Bagdad vénérer le tombeau d'un saint, leur lointain ancêtre. Là, Mohieddine a une vision : son aïeul lui prédit qu'Abd el-Kader régnera sur le Maghreb. Le père et le fils regagnent leur pays en 1829. L'année suivante, les Français s'emparent d'Alger.

3. La lutte contre les Français

3.1. De la proclamation de la guerre sainte au traité de la Tafna (mai 1837)

•Combattant sous les murs d'Oran

Abd el-Kader seconde de plus en plus efficacement son père, qui, tout en reconnaissant la suzeraineté du sultan marocain, regroupe les tribus des régions de Mascara et de Tlemcen, et prépare la résistance aux chrétiens : le 27 avril 1832, le vieux chef proclame le djihad, et, en mai, il tente de s'emparer d'Oran. C'est un échec, mais le jeune Abd el-Kader se fait remarquer par sa vaillance.

•Proclamé émir (1832)

En novembre, les tribus décidées à combattre se réunissent aux portes de Mascara. Une nouvelle apparition de son ancêtre incite Mohieddine à demander le pouvoir pour son fils. L'assemblée choisit avec enthousiasme Abd el-Kader comme sultan : le jeune chef se contente, en fait, du titre d'émir, car il reconnaît comme son père la suprématie du sultan du Maroc.

•En lutte contre les Français

Dès 1833, Abd el-Kader reprend la lutte contre les Français, commandés par un nouvel arrivé, le général Desmichels, qui veut « se donner de l'air » aux dépens de tribus situées dans la mouvance du jeune émir. Mais Desmichels, devant les critiques de plus en plus vives formulées en métropole contre les projets de conquête, en vient vite à rechercher l'entente avec son adversaire : le traité du 26 février 1834 reconnaît à Abd el-Kader le titre de « commandeur des croyants » et lui laisse encore son autorité sur tout l'ancien beylicat d'Oran, jusqu'à Miliana à l'est. L'année suivante, en avril 1835, l'émir étend même son pouvoir jusqu'à Médéa, aux dépens de tribus qui se sont soulevées contre les Français : ces derniers, en position difficile, ne peuvent guère s'opposer à cette expansion.

•La victoire de la Macta (juin 1835)
Thomas Robert BugeaudThomas Robert Bugeaud
Mais le général Trézel a remplacé, à Oran, le général Desmichels, jugé trop faible. Les conflits reprennent bientôt avec les Arabes, les Français voulant prendre sous leur protection des tribus qu'Abd el-Kader considère de sa dépendance. Le 28 juin, l'émir inflige à Trézel un rude échec à la Macta. Sous l'impulsion du maréchal Clausel, nommé gouverneur général de l'Algérie, la contre-offensive française aboutit à l'occupation de Mascara (6 décembre), puis de Tlemcen (13 janvier 1836). En fait, les forces de l'émir se reconstituent très vite et reprennent les territoires que les Français, trop peu nombreux, ne peuvent occuper.



•Le traité ambigu de la Tafna (mai 1837)

Pour rétablir la situation, Louis-Philippe envoie en Algérie un chef réputé, Thomas Bugeaud, qui remporte un premier succès au ravin de la Sikkak (6 juillet 1836). En novembre, Bugeaud échoue cependant dans une tentative contre Constantine : Abd el-Kader en profite pour bloquer Oran, et le nouveau commandant en chef français doit signer avec l'émir, en mai 1837, le traité, conciliant mais ambigu, de la Tafna. Abd el-Kader voit son domaine étendu jusqu'aux confins du beylicat de Constantine. Celui-ci s'effondre après la prise de sa capitale par les Français en octobre 1837, ce qui ne résout pas les problèmes de souveraineté sur ce territoire.

3.2. La reprise des hostilités et la défaite (1837-1847)

•La violation du traité de la Tafna

Dans le nouveau vide politique ainsi créé, les Français et Abd el-Kader vont s'affronter : des interprétations divergentes du traité conduiront à réactiver le conflit. Bugeaud veut faire signer à l'émir un traité additionnel pour fixer, de façon plus restrictive, la limite du domaine arabe. Les Français n'obtiennent que l'accord personnel de l'ambassadeur d'Abd el-Kader, et ce dernier estimera que l'expédition menée par le duc d'Orléans (fils aîné de Louis-Philippe) pour relier Constantine à Alger, constitue un acte de guerre, dans la mesure où il leur avait interdit de traverser ses territoires.

Les combats reprennent dans la Mitidja en novembre 1839. Les Français connaissent une période difficile. En décembre 1840, Bugeaud est nommé gouverneur général de l'Algérie pour rétablir la situation. Ses « colonnes mobiles » occupent les principales villes de l'intérieur qui étaient tenues par Abd el-Kader : dès 1841, Tagdempt (près de Tiaret), Mascara, Boghar et, en 1842, Tlemcen.

•La destruction de la smala

En même temps, les Français s'attaquent à ce qui fait l'essentiel des richesses en possession des tribus alliées de l'émir : les troupeaux sont confisqués, les récoltes détruites. La guerre prend un caractère inexpiable, et les ressources d'Abd el-Kader diminuent avec la ruine sans cesse aggravée des régions qu'il parcourt. Enfin, le 16 mai 1843, un officier du duc d'Aumale (avant-dernier fils de Louis-Philippe) découvre par hasard l'immense campement formé par la capitale mobile de l'émir, la smala. Une charge de cavalerie la disperse. Le coup est très rude pour Abd el-Kader, qui doit se réfugier sur les confins marocains.

•Traqué par le sultan du Maroc
Bataille de l'IslyBataille de l'Isly
Mais la défaite de l'Isly (→ bataille de l'Isly, 14 août 1844) oblige le sultan du Maroc Abd al-Rahman à refuser toute aide de son hôte, et même à le déclarer hors-la-loi. Dès lors, Abd el-Kader doit en revenir à une lutte de partisans, ce qui lui procure des succès, notamment à Sidi-Brahim et dans la région d'Aïn-Temouchent (→ combats de Sidi-Brahim, septembre 1845). Il opère même en 1846 sa jonction avec les Kabyles et n'est repoussé vers le Maroc qu'avec de grandes difficultés.



•Contraint à la reddition

L'hostilité, cette fois ouverte, d'Abd al-Rahman va causer la perte de l'émir, rejeté en Algérie et auquel la voie du Sud est coupée par les Français. Abd el-Kader doit se rendre à Lamoricière le 23 décembre 1847, puis au duc d'Aumale le lendemain.

4. La reconnaissance de ses anciens adversaires

4.1. En captivité
Maxime David, Abd el-Kader au château d'AmboiseMaxime David, Abd el-Kader au château d'Amboise
Lamoricière, comme le duc d'Aumale, avait promis à l'émir, lors de sa reddition, de le conduire en terre d'islam à Alexandrie ou à Saint-Jean-d'Acre. En fait, on l'interne d'abord à Toulon, au fort Lamalgue. La IIe République n'exécute pas la promesse de la royauté et l'ancien chef arabe est transféré à Pau (avril 1848), puis, comme il proteste de plus en plus vivement contre les conditions déplorables de sa détention, au château d'Amboise (novembre 1848). Il y restera, ainsi que sa suite – une centaine d'hommes, de femmes et d'enfants soumis au froid et à l'isolement –, jusqu'en 1852.



4.2. L'estime de Napoléon III

Enfin, le 16 octobre, Louis Napoléon lui rend la liberté. Abd el-Kader lui écrit : « Vous m'avez mis en liberté, tenant ainsi, sans m'avoir fait de promesses, les engagements que d'autres avaient pris envers moi et n'avaient pas tenus. […] Je n'oublierai jamais la faveur dont j'ai été l'objet. » Abd el-Kader, lui, sera fidèle à son dernier engagement : doté d'une pension de 100 000 francs par an, il part pour la Turquie en décembre, après avoir visité Paris, et se retire à Brousse.

4.3. Le protecteur des chrétiens de Damas
Abd el-Kader organise la défense et les secours aux chrétiensAbd el-Kader organise la défense et les secours aux chrétiens
Accueilli sans chaleur, il prend prétexte de la dévastation de la ville par un tremblement de terre pour gagner Damas, où vit une importante colonie algérienne. Il se montre désormais un ami des Français et des chrétiens maronites, contribuant notamment à en sauver plusieurs milliers en juillet 1860, lors de l'insurrection des Druzes musulmans (→ campagnes de Syrie). C'est à ce titre qu'il est décoré de l'ordre de Pie IX et qu'il reçoit la Légion d'honneur. Certains songent même à lui confier une sorte de vice-royauté de l'Algérie.

Pourtant, son rôle pendant la guerre de 1870 est controversé. Dans plusieurs lettres aux autorités françaises, il aurait vivement condamné l'un de ses fils qui tentait de reprendre la lutte en Algérie : ces documents sont considérés comme des faux par certains, qui y voient l'œuvre de l'administration coloniale. Il refuse obstinément de prendre la tête d'un royaume arabe sous protectorat français, tel qu'en rêvait Napoléon III.

En 1966, les cendres de l'émir Abd el-Kader ont été ramenées de Damas et inhumées au « carré des martyrs » du cimetière d'El-Alia, près d'Alger.
"État d'Abdelkader"

Émirat d'Abdelkader

1832–1847

Drapeau
Drapeau de statut incertain, attribué parfois à l'Émirat d'Abdelkader. Blason
Emblème

Devise

“La victoire d'Allah et la reconquête est proche”
Devise militaire :

“Rien n'est plus bénéfique que la piété et le courage”

Description de cette image, également commentée ci-après

L'État d'Abdelkader en 1837

Informations générales

Statut
Choura

Dirigeant
Abdelkader ibn Muhieddine

Capitale
Mascara puis Tagdemt, puis la smala

Langue
Arabe (officiel, gouvernement, religieux, littéraire), berbère

Religion
Islam

Monnaie
Muhammadiyya

Histoire et événements

1830
Conquête de l'Algérie par la France

1832
Établissement de l'État d'Abdelkader

1834
Traité Desmichels

1837
Traité de la Tafna

1847
Capitulation de l'Émir Abdelkader

Émir

1832-1847
Émir Abdelkader
Entités précédentes :
Pavillon de la Régence d'Alger (XVIIe-XVIIIe siècles) Régence d'Alger


Entités suivantes :
Drapeau de la France Algérie française

L'État d'Abdelkader, ou l'Émirat d'Abdelkader, est un État indépendant formé sur les parties centrale et occidentale de l'Algérie durant la conquête de l'Algérie par la France. Qualifié dans l'historiographie algérienne d'État algérien moderne, il voit se mettre en place une doctrine de pouvoir qui tranche avec celle du précédent régime des deys d'Alger. Il est dirigé par l'émir Abdelkader, de 1832 à 1847, et ses capitales sont successivement Mascara, et Tagdemt

Gouvernement

Le système de gouvernement est simple et présente des analogies avec le régime des deys d'Alger ; cependant il correspond à une profonde révision de la doctrine de pouvoir sur des bases plus égalitaires. L'émir est à la tête de l’État, et gouverne avec son diwan : le conseil des ministres. Il est assisté par un majlis, un conseil consultatif composé de ses principaux collaborateurs : personnalités sages, oulemas et les khalifa représentant des provinces et présidé par un qâdî al qudât4. L'Algérie est divisée par l'émir en huit khalifalik, eux-mêmes subdivisés en aghalik qui regroupent plusieurs caïdats. Ce découpage tient compte des influences locales et de l'histoire, notamment sur le plan tribal.

Institutions

Abdelkader organisa l’État autour de trois ou quatre pôles modernes et efficaces : la justice, l'organisation financière, l'enseignement et surtout l'armée.

La justice était rendue selon les principes islamiques et reposait sur la figure du cadi, faisant fonction de juge, de notaire et de tuteur. Le cadi est compétent pour juger toutes les affaires ayant trait aux problèmes de personnes, de propriété, de vol et d'assassinat. Le cadi est nommé sur plusieurs critères : notoriété, moralité et capacité attestée par le succès à des épreuves juridiques. Son mandat est d'un an renouvelable, et il est révocable en cas de faute grave par le khalifa. D'autre part un majlis, constitué par les plus célèbres ouléma se réunissaient pour traiter les affaires en appel contre la décision des cadis6.

Cependant les affaires contre les intérêts de la nation (collaboration avec les Français, révolte, refus de l'unité, plaintes contre les tribus, complots...) était jugés par des agents de l'autorité, les hokm.

Palais de l'émir Abdelkader, à Médéa.
L'émir Abd el Kader porte un certain intérêt à la culture. Ainsi l’État encourage la création d'écoles, dans les villes et en milieu rural, où sont enseignés le Coran, l'arithmétique, la lecture et l'écriture. Cet enseignement se voulait gratuit et les élèves les plus doués continuaient leur apprentissage des les zaouïas et les mosquées du pays où leur était enseigné l'histoire, la rhétorique et la théologie. Ces tolbas touchaient un solde régulier. D'autre part Abd el Kader encourage la conservation des manuscrits et des livres et crée une bibliothèque pour compiler les écrits de valeur à cet effet.

Sur le plan financier l’État doit mener un effort de guerre important d'où une refonte de l'organisation. Abdelkader soumet toutes les tribus à l’impôt, dont les anciennes tribus makhzen. Les différents impôts sont :
l'achour, ou impôt sur le dixième des récoltes ;
la zakat, qui était perçue sur les troupeaux (1 % sur les moutons, 1/30 sur les bovins et 1/40 sur les chameaux) ;
la ma'ouna ou mu'awana, une contribution en argent décidée par l'émir en cas d'urgence pour la résistance armée, et répartie sur tous les khalifaliks ;
la khetia, qui est une amende appliquée sur une tribu pour une faute collective.

Les impots sont le plus souvent perçus par les caids et les aghas, puis versé au khalifa. Dans chaque aghalik, un oukil essoltan s'occupe de la location des terres publiques aux fermiers alors qu'un deuxième oukil veille aux intérêts du fisc.

Doctrine de pouvoir

La conception du pouvoir d'Abdelkader s'inscrit en rupture avec celle de la régence d'Alger, qui selon lui a failli. En effet dès son investiture en tant qu'émir — en fait textuellement sultan — par les tribus de l'ouest il se veut un chef algérien investi par les Algériens. Surnommé Naçir al din (le Défenseur de la religion) et issu d'une lignée chérifienne, il tire sa légitimité de la religion, encore plus que pour le régime de la régence d'Alger, et renoue avec la tradition de désignation du chef de la communauté par les fidèles. Membre de la tribu des Hachem — d’ascendance berbère de la branche zénète il se veut sobre, modeste et proche du peuple, même si certains faits marquent son rang (comme le fait de se déplacer sous un parasol)7. Cela traduit en réalité une volonté de se démarquer de l'arbitraire de la régence et d'une forme de fossilisation de l'Islam.

Infanterie régulière d'Abdelkader.
Il abolit l'Odjak et met un terme au système politique de la régence (notamment au système des tribus makhzen). Il tente de réaliser un système uniformisé où, si la tribu reste à la base de la société, les confédérations rendent directement compte au pouvoir central. Le territoire contrôlé est découpé de manière égalitaire entre les khalifa. L'exercice du pouvoir administratif est surveillé, en effet il est annoncé de façon régulière sur les marchés que toute personne ayant une plainte concernant l'administration peut en saisir directement l'émir.

Cavalerie d'Abdelkader.
L'émir est sensible aux avis de Hamdan Khodja (ancien dignitaire de la régence), conseiller du bey de Constantine. Ce dernier ayant voyagé en Europe lui fait part des idées de la révolution industrielle, de l'éclosion des nationalités en Europe. Le séjour d'Abdelkader au Caire en 1827, l'a également sensibilisé à la gestion innovante de Mohamed Ali, souverain d'Égypte et grand vassal de l'Empire ottoman dont il bat en brèche l'autorité.

Il existe une réelle volonté de promouvoir la chose publique : régularité des services, unification, organisation fédérale sans exclure un effort de centralisation, fin des rivalités entre tribus, abolition de privilèges, promotion d'une économie modernisée et création d'une armée régulière et soldée. Le fondement de l’État reposant sur une légitimité religieuse, l'émir favorise la noblesse maraboutique au détriment des djouads,. Durant ses guerres avec les Français, l’État ne s'interdit pas de négocier et de traiter avec eux. Il porte ainsi un islam qui se veut volontairement tolérant, où les coopérants musulmans, juifs et chrétiens européens (notamment d'Italie) peuvent circuler sur son territoire et nomme deux ambassadeurs non-musulmans (l'un juif algérien, l'autre italien) auprès des autorités françaises à Alger7.



L'émir accorde très tôt une importance à la structuration d'une économie perçue comme nécessaire à la pérennisation de son État. Il va installer un certain nombre de fabriques et d'industries dans Tagdemt, sa nouvelle capitale. C'est ainsi qu'il est accordé une grande importance à la production locale des biens nécessaires, notamment à l’effort de guerre1. Les villes de Tlemcen, Mascara, Miliana, Médéa et Tagdempt fabriquent la poudre nécessaire. Tagdemtp et Miliana possèdent fonderies et fabrique d'arme. Il y a également une volonté de réguler les marchés (les souks) avec une surveillance et une sécurisation accrue des sites et des axes de circulation pour favoriser les échanges. L'agriculture est encouragée, avec la suppression du kharadj pour encourager les fellahs (paysans), et la mise à profit des périodes de trêve.

Enfin l'émir se dote très rapidement de sa propre monnaie pour assurer l'autonomie financière de son État. Celle-ci est éditée dès 1834, est frappée à Tagdempt, jusqu'en 1841
Abdelkader ibn Muhieddine (ʿAbd al-Qādir ibn Muḥyiddīn), aussi connu comme l'Émir Abdelkader, ou Abdelkader El Djezairi, né le 6 septembre 1808 à El Guettana, dans la Régence d'Alger, et mort le 26 mai 1883 à Damas, dans l'Empire ottoman, et plus précisément dans l'actuel Syrie, est un émir, chef religieux et militaire algérien, qui mène une lutte contre l'invasion française de l'Algérie au milieu du xixe siècle.

Savant musulman et soufi, il se retrouve de façon inattendue à mener une campagne militaire. Il constitue un groupement de tribus algériennes qui, pendant de nombreuses années, résistent avec succès contre l'une des armées les plus avancées d'Europe. Son respect constant pour ce qu'on appelle désormais les droits de l'homme, surtout en ce qui concerne ses opposants chrétiens, suscite une admiration généralisée, son intervention cruciale pour sauver la communauté chrétienne de Damas d'un massacre en 1860, lui amène des honneurs et des récompenses du monde entier. En Algérie, ses efforts pour unifier le pays contre les envahisseurs extérieurs le voient salué de Jugurtha moderne1 et sa capacité à combiner autorité religieuse et politique, le conduit à être acclamé de prince parmi les saints, et saint parmi les princes;

Le nom Abdelkader est parfois translittéré « 'Abd al-Qadir », « Abd al-Kader », « Abdul Kader » ou d'autres variantes. Il est souvent désigné simplement comme l'émir Abdelkader (puisque El Djezairi veut dire « l'Algérien »). « Ibn Muhieddine » est un prénom qui signifie « fils de Muhieddine », et « al-Hasani » invoque sa descendance d'al-Hassan ibn Ali, le petit-fils de Mahomet. On lui donne souvent, aussi le titre d'émir, signifiant « prince ».

Origines familiales
Abdelkader naît près de la ville de Mascara en 18083, d'une famille de l'aristocratie religieuse originaire du Rif selon l'encyclopédie Larousse4. Son père, Muhieddine (ou « Muhyi al-Din ») al-Hasani, est un muqaddam dans une institution religieuse affiliée à la confrérie soufie Qadiriyya5 et revendique une descendance de Mahomet, via les Idrissides6. Abdelkader est donc un chérif, et a le droit d'ajouter à son nom honorifique d'al-Hasani (« descendant d'al-Hasan »)5.

Il grandit dans la zaouïa de son père qui, au début du xixe siècle, est le centre d'une communauté florissante sur les bords de la rivière de l'Oued el Hammam. Comme les autres étudiants, il reçoit une éducation traditionnelle en théologie, jurisprudence et grammaire ; il est dit qu'il savait lire et écrire à l'âge de cinq ans. Élève doué, Abdelkader réussit à réciter le Coran par cœur à l'âge de 14 ans, recevant ainsi le titre de hafiz. Un an plus tard, il est allé à Oran pour poursuivre ses études5. Il est un bon orateur et peut exciter ses pairs avec poésies et diatribes religieuses7.

En 1825, il part avec son père faire le pèlerinage à La Mecque. Là-bas, il rencontre l'Imam Chamil ; les deux discutent longuement de différents sujets. Il se rend également à Damas et à Bagdad, et visite les tombes de musulmans notables, tels que Ibn Arabi et Abdelkader al-Jilani, également appelé El-Jilali en Algérie et sera enterré à côté de sa tombe. Cette expérience cimente son enthousiasme religieux. Sur le chemin du retour, il est impressionné par les réformes menées par Méhémet Ali en Égypte. Il revient à sa patrie quelques mois avant l'arrivée des Français.

Invasion française et résistance
Premiers succès (1830-1837)
En 1830, Alger est envahi par la France ; la domination coloniale française sur la régence d'Alger supplante la domination des Deys. Il y avait beaucoup de ressentiments refoulés contre les Ottomans lorsque les Français sont arrivés, et en raison de nombreuses rébellions au début du xixe siècle, le territoire est trop divisé pour s'opposer efficacement aux Français. Lorsque l'armée française arrive à Oran en janvier 1831, le père d'Abdelkader est chargé de mener une campagne de harcèlement7. Muhieddine appelle au jihad, et son fils et lui participent aux premières attaques sous les murs de la ville5.


Traité Desmichels conclu à Oran le 26 février 1834 entre la France et Abdelkader.
C'est à ce moment qu'Abdelkader apparaît au premier plan. Lors d'une réunion des tribus de l'ouest, à l'automne de 1832, il est élu émir, ou Commandeur des Croyants (suite au refus de son père d'occuper ce poste, au motif qu'il est trop vieux), l'assemblée choisit avec enthousiasme Abd el-Kader comme sultan : le jeune chef se contente, en fait, du titre d'émir, car il reconnaît comme son père la suprématie du sultan du Maroc 8. Le poste est confirmé cinq jours plus tard à la grande mosquée de Mascara. En un an, grâce à une combinaison de raids punitifs et de politique prudente, Abdelkader réussi à unir les tribus de la région, et à rétablir la sécurité - sa zone d'influence couvre désormais toute la province d'Oran5. Le général français Louis Alexis Desmichels, commandant en chef local, voit Abdelkader comme le représentant principal de la région pendant les négociations de paix et, en 1834, il signe le traité Desmichels, qui cède presque complètement le contrôle de la province d'Oran à Abdelkader7. Pour les Français, c'est une manière d'établir la paix dans la région tout en confinant Abdelkader à l'ouest ; mais son statut de co-signataire contribue beaucoup à l'élever aux yeux des Berbères et des Français9.

Utilisant ce traité comme une base de départ, il impose sa domination sur les tribus du Chelif, de Miliana et Médéa7. Le haut commandement français, mécontent de ce qu'il considère maintenant comme les termes défavorables du traité de Desmichels, rappelle le général Desmichels et le remplace par le Général Trézel, ce qui provoque une reprise des hostilités. Les guerriers tribaux d'Abdelkader rencontrent les forces françaises en juillet 1834 lors de la bataille de la Macta, où les Français subissent une défaite inattendue5. La France réagit en intensifiant sa campagne de pacification et, sous de nouveaux commandants, les Français remportent plusieurs rencontres importantes, dont la bataille de la Sikkak. Mais l'opinion politique en France devient ambivalente envers l'Algérie, et lorsque le général français Thomas Robert Bugeaud est déployé dans la région en avril 1837, il est autorisé à utiliser tous les moyens pour inciter Abd el-Kader à faire des ouvertures de paix.10. Le résultat, après de longues négociations, est le traité de la Tafna, signé le 30 mai 1837. Ce traité donne encore plus de contrôle sur les parties intérieures de l'Algérie à Abdelkader, mais avec la reconnaissance du droit de la France à la souveraineté impériale. Abdelkader prend ainsi le contrôle de tout Oran et étend son influence à la province voisine de Titteri, et au-delà.
Nouvel État
Article connexe : État d'Abdelkader.
La période de paix qui suit le traité de la Tafna bénéficie aux deux parties et l'émir Abdelkader en profite pour consolider un nouvel État fonctionnel, avec pour capitale Tagdemt. Il minimise son pouvoir politique, refusant à plusieurs reprises le titre de sultan et s'efforçant de se concentrer sur son autorité spirituelle11. L'État qu'il crée est largement théocratique et la plupart des postes d'autorité sont occupés par des membres de l'aristocratie religieuse ; même l'unité principale de la monnaie est appelée le muhammadiyya, d'après le prophète12.


Carte de l'État d'Abdelkader entre 1836 et 1839.
Sa première action militaire est de se déplacer vers le sud dans le Sahara et at-Tijini. Ensuite, il se déplace vers l'Est jusqu'à la vallée du Chelif et du Titteri mais le Bey de Constantine, Hadj Ahmed, lui oppose résistance. En d'autres cas, il fait massacrer les Kouloughlis de Zouatna pour avoir soutenu les Français. À la fin de 1838, son règne s'étend à l'Est jusqu'à la Kabylie, au sud jusqu'à Biskra et à la frontière marocaine7. Il continue à se battre à Tijini et assiège sa capitale à Aïn Madhi pendant six mois, finissant par la détruire.

Un autre aspect d'Abdelkader qui l'aide à diriger son État naissant est sa capacité à trouver et à utiliser de bons talents, indépendamment de sa nationalité. Il emploie des juifs et des chrétiens sur le chemin de la construction de sa nation. L'un d'eux est Léon Roches7. Son approche à l'armée est d'avoir une troupe permanente de 2 000 hommes soutenue par des volontaires des tribus locales. Il place dans les villes de l'intérieur, des arsenaux, des entrepôts et des ateliers où il stocke des objets à vendre pour les achats d'armes venant d'Angleterre. Grâce à sa vie frugale (il vit dans une tente), il enseigne à son peuple la nécessité de l'austérité et à travers de l'éducation, il leur enseigne des concepts tels que la nationalité et l'indépendance7.

Fin de la nation

Peinture de l'expédition des portes de fer, en Kabylie.
La paix prend fin lorsque le duc d'Orléans, ignorant les termes du traité de la Tafna, dirige une force expéditionnaire qui franchit les portes de fer. Le 15 octobre 1839, Abdelkader attaque les Français alors qu'ils colonisent les plaines de la Mitidja, et les met en déroute. En réponse, les Français lui déclarent officiellement la guerre le 18 novembre 183913. Les combats s'embourbent jusqu'à ce que le général Thomas Robert Bugeaud retourne en Algérie, cette fois en tant que gouverneur général, en février 1841. Abdelkader est initialement encouragé à entendre que Bugeaud, le promoteur du Traité de la Tafna, revenait ; mais cette fois, la tactique de Bugeaud serait radicalement différente. Cette fois-ci, son approche est celle de l'annihilation, avec la conquête de l'Algérie comme finalité7 :

Abdelkader est efficace en pratiquant la guérilla et, pendant une décennie, jusqu'en 1842, remporte de nombreuses batailles. Il signe souvent des trêves tactiques avec les Français, mais celles-ci ne durent pas. Sa base de pouvoir est dans la partie occidentale de l'Algérie, où il réussit à unir les tribus contre les Français. Il est connu pour sa chevalerie ; à une occasion, il libère ses captifs français simplement parce qu'il n'a pas assez de nourriture pour les nourrir. Au cours de cette période, Abdelkader fait preuve de leadership politique et militaire et agit comme un administrateur compétent et un orateur persuasif. Sa foi fervente dans les doctrines de l'Islam est incontestée.

Jusqu'au début de 1842, la lutte est en sa faveur. Cependant, la résistance est réprimée par le maréchal Bugeaud, en raison de l'adaptation de Bugeaud à la tactique de guérilla utilisée par Abdelkader. Abdelkader frappe vite et disparait dans le terrain avec l'infanterie légère. Cependant, les Français augmentent leur mobilité. Les armées françaises répriment brutalement la population indigène et pratiquent une politique de la terre brûlée dans la campagne pour forcer les habitants à mourir de faim afin de déserter leur chef. En 1841, ses fortifications sont presque détruites, et il est forcé d'errer à l'intérieur d'Oran. En 1842, il perd le contrôle de Tlemcen et ses lignes de communication avec le Maroc ne sont pas efficaces. Il réussit à passer la frontière au Maroc pour un sursis, mais les Français battent les Marocains à la bataille d'Isly7. Il quitte le Maroc et peut continuer le combat contre les Français, en prenant Sidi Brahim, à la bataille de Sidi-Brahim en septembre 18457. En 1846, il opère sa jonction avec les Kabyles et n'est repoussé vers le Maroc qu'avec de grandes difficultés4.

Capitulation

Représentation artistique de la capitulation d'Abdelkader en 1847.
Abdelkader est en fin de compte contraint de se rendre. Son échec à obtenir le soutien des tribus de l'Est, à l'exception des Berbères de l'ouest de la Kabylie, contribue à l'étouffement de la rébellion, et un décret d'Abd al-Rahman du Maroc, après le traité de Tanger, bannit l'émir de tout son royaume12. Le 21 décembre 1847, Abdelkader se rend au général Louis de Lamoricière en échange de la promesse qu'il serait autorisé à aller à Alexandrie ou à Acre7. Il a commenté sa propre reddition avec les mots : Et Dieu défait ce que ma main a fait (bien que cela soit probablement apocryphe). Sa demande est acceptée et, deux jours plus tard, sa reddition est rendue officielle au gouverneur général français d'Algérie, Henri d'Orléans, duc d'Aumale, auquel Abdelkader remet symboliquement son cheval de bataille12. En fin de compte, cependant, le gouvernement français refuse d'honorer la promesse du général de Lamoricière : Abdelkader est envoyé en France et, au lieu d'être autorisé à être conduit en Orient, est gardé en captivité7,12.

Emprisonnement et exil

Tombe au château d'Amboise, de 27 membres de la suite d'Abdelkader morts durant son séjour en ce lieu, dont l'une de ses femmes, un de ses frères, et deux de ses enfants.
Abdelkader, sa famille et ses fidèles furent détenus en France, d'abord au fort Lamalgue à Toulon, puis à Pau, et en novembre 1848, ils furent transférés au château d'Amboise7.

Le conditionnement humide du château conduit à la détérioration de la santé, ainsi qu'au moral de l'émir et de ses partisans, et son destin devient une cause célèbre dans certains cercles littéraires. Plusieurs personnalités, dont Émile de Girardin et Victor Hugo, demandent plus de précisions sur la situation de l'émir. Le futur premier ministre, Émile Ollivier, mène une campagne d'opinion publique pour sensibiliser le public à son sort. Il y a aussi une pression internationale. Lord Londonderry (dit George Vane-Tempest, 5e marquis de Londonderry) rend visite à Abdelkader à Amboise, et écrit par la suite au président de l'époque, Louis Napoléon Bonaparte (qu'il a connu lors de l'exil de ce dernier en Angleterre) pour faire appel à la libération de l'émir12.


Napoléon III rend la liberté à l'émir Abd el-Kader, tableau par Ange Tissier (1861).
Louis-Napoléon Bonaparte (plus tard l'empereur Napoléon III) est un président relativement nouveau, arrivé au pouvoir à la révolution de 1848 alors qu'Abdelkader est déjà emprisonné. Il tient à rompre avec plusieurs politiques du régime précédent, et la cause d'Abdelkader en fait partie12. Finalement, le 16 octobre 1852, Abdelkader est libéré par le président et reçoit une pension annuelle de 100 000 francs14, en prêtant serment de ne plus jamais fomenter de troubles en Algérie. Il s'installe alors à Bursa, aujourd'hui en Turquie, et déménage en 1855 dans le district d'Amara à Damas. Cette année-là, il écrit une Épître aux Français, dans laquelle il déclare : Les habitants de la France sont devenus un modèle pour tous les hommes dans le domaine des sciences et du savoir15.. Il se consacre de nouveau à la théologie et à la philosophie et compose un traité philosophique dont une traduction française est publiée en 1858 sous le titre de Rappel à l'intelligent. Avis à l'indifférent16. Il écrit un article sur le cheval barbe, traitant également de l'origine des Berbères17.

Pendant son séjour à Damas, il se lie d'amitié avec Jane Digby, ainsi qu'avec Richard Francis Burton et Isabel Burton. La connaissance du soufisme, et l'habileté avec les langues, d'Abdelkader, lui font gagner le respect et l'amitié de Burton. Sa femme Isabel le décrit comme suit : Il s'habille uniquement en blanc … enveloppé dans l'habituel burnous enneigé … si vous le voyez à cheval sans le savoir être Abdelkader, vous le feriez sortir … il a le siège d'un gentleman et d'un soldat. Son esprit est aussi beau que son visage18.

Émeutes anti-chrétiennes de 1860
Article connexe : Massacre de Damas (1860).

Tableau représentant l'émir Abdelkader, protégeant les chrétiens à Damas en 1860, lors des massacres commis par les Druzes.
En juillet 1860, le conflit entre les Druzes et les maronites du mont Liban s'étend à Damas, et les Druzes locaux attaquent le quartier chrétien, tuant plus de 3 000 personnes. Abdelkader prévient auparavant le consul de France ainsi que le concile de Damas que la violence est imminente ; quand le conflit a finalement éclaté, il abrite un grand nombre de chrétiens, y compris les chefs de plusieurs consulats étrangers ainsi que des groupes religieux tels que les Sœurs de la Miséricorde, dans sa maison, en sécurité. Ses fils aînés sont envoyés dans les rues pour offrir à tous les chrétiens un abri contre la menace, sous sa protection, et il est dit par beaucoup de survivants, qu'Abdelkader lui-même a joué un rôle essentiel dans leur sauvetage.

Nous étions consternés, nous étions tous convaincus que notre dernière heure était arrivée […]. Dans cette attente de la mort, dans ces moments d'angoisse indescriptibles, le ciel nous a envoyé un sauveur! Abd el-Kader est apparu, entouré de ses Algériens, une quarantaine d'entre eux. Il était à cheval et sans armoieries : sa belle figure calme et imposante contrastait étrangement avec le bruit et le désordre qui régnaient partout.
- Le Siècle, 2 août 186919


Cadeau d'Abraham Lincoln à l'émir Abdelkader.
Les rapports publiés en Syrie, alors que les émeutes se sont calmées, soulignent le rôle prééminent d'Abdelkader, suivi d'une reconnaissance internationale considérable. Le gouvernement français augmente sa pension à 150 000 francs, et lui confère la grande croix de la légion d'honneur20 ; il reçoit également de la Grèce, la grande croix du Sauveur, l'ordre de la Médjidié 1re classe de Turquie, et l'ordre de Pie IX du Vatican13. Abraham Lincoln lui envoie une paire de revolvers incrustés (maintenant exposés dans le musée d'Alger) et la Grande-Bretagne, un fusil de chasse incrusté d'or. En France, l'épisode représente l'aboutissement d'un revirement remarquable, d'être considéré comme un ennemi de la France durant la première moitié du xixe siècle, et de devenir un ami de la France après être intervenu en faveur des chrétiens persécutés21,22,23,24,25,26,27.

En 1865, il visite Paris à l'invitation de Napoléon III, et est accueilli avec un respect tant officiel que populaire. En 1871, lors de la révolte des Mokrani en Algérie, il renie un de ses fils qui a tenté de soulever les tribus autour de Constantine7. Il écrit Rappel à l'intelligent, avis à l'indifférent.

Abdelkader meurt à Damas le 26 mai 1883, et est enterré près du grand soufi Ibn Arabi, à Damas.

Son corps est retrouvé en 1965, et se trouve maintenant au cimetière d'El Alia, à Alger. Le transfert de ses restes fait l'objet d'un film, intitulé Poussières de Juillet, réalisé en 1967 par Kateb Yacine et M'hamed Issiakhem28, unique collaboration entre ces deux figures de la modernité artistique et littéraire algérienne. Ce transfert est controversé, car Abdelkader a clairement voulu être enterré à Damas, avec son maître Ibn Arabi.

Héritage et image

La place de l'Émir-Abdelkader, à Alger.
Dès le début de sa carrière, Abdelkader inspire de l'admiration, non seulement de l'intérieur de l'Algérie, mais aussi des Européens, même en combattant contre les forces françaises. La généreuse pré-occupation, la tendre sympathie qu'il montre à ses prisonniers de guerre est presque sans parallèle dans les annales de la guerre29, et il prend soin de respecter la religion privée des captifs.

En 1843, le maréchal Soult déclare qu'Abdelkader est l'un des trois grands hommes vivants sur terre ; les deux autres, l'Imam Shamil et Méhémet Ali d'Égypte, sont aussi musulmans30. Il est actuellement respecté, comme l'un des plus grands de son peuple7.

Noms de lieux ou d'institutions
En Algérie, le nom de l'émir Abdelkader est donné à une commune de la wilaya d'Aïn Témouchent, et une dans la wilaya de Jijel, une université de Constantine (l'université des sciences islamiques Émir Abdelkader), la mosquée Émir Abdelkader, sa zaouïa, à El Guettana, dans la ville de Mascara, deux places portent le nom : Émir Abdelkader, et à Alger, la place de l'Émir-Abdelkader.

Au Maroc, à la gare de Meknès-Amir Abdelkader, à Meknès.

En France, une loge de la Grande Loge de France porte le titre distinctif L'Émir Abd El Kader31,32, un paquebot de la Compagnie générale transatlantique, à Paris, une place de l'Émir-Abdelkader, (5e), ainsi qu'à Lyon, à Toulon, et à Amboise.

La ville d'Elkader dans l'Iowa aux États-Unis porte le nom d'Abdelkader. Les fondateurs de la ville Timothy Davis, John Thompson et Chester Sage ont été impressionnés par son combat contre le pouvoir colonial français, et ont décidé de choisir son nom, pour le nom de leur nouvelle colonie en 184633.


Portrait d'Abd el-Kader peint à Constantinople en 1866 par Stanisław Chlebowski. Huile sur toile, 1866. Musée Condé, Chantilly.
Au Mexique, une statue de l'émir Abdelkader est réalisée par l'architecte Luis Aguilar en mai 200834. Un buste d'Abdelkader est inauguré au siège de la Croix-Rouge, à Genève, en 201335.

Iconographie
Une médaille à l'effigie d'Abdelkader est gravée par Antoine Bovy en 1862. L'effigie du droit est inspirée du portrait peint par Ange Tissier en 1852. Le revers porte l'inscription suivante au pourtour :

Émir de l'Afrique du Nord. Défenseur de la nationalité Arabe. Protecteur des chrétiens opprimés * 1862, et dans le champ :

Jugurtha moderne / Il a tenu en échec / L'une des plus puissantes nations / De la Terre / Pendant 14 ans son histoire / Est celle de nos revers et de nos succès / En Afrique / Il fait sa soumission le 23 décembre 1847 / Un décret magnanime de Napoléon III / Lui rend la liberté le 2 décembre 1852 / En 1860 il s'acquitte envers l'Empereur / En devenant la providence / Des chrétiens de Syrie / La France / Qu'il a combattu / L'aime et l'admire. Un exemplaire de cette médaille est conservé au musée Carnavalet (ND 0144)36.

Mémoire

Timbre algérien de 1966 à l'effigie de l'émir.
L'émir est considéré par le FLN depuis 1962, comme le fondateur de l’État algérien moderne37.

Une « Maison de l’émir » sera construite à Alger38.

Un film : À la recherche de l'Émir Abd El-Lader est réalisé par Mohamed Latreche, en 200439.

En 2013, le cinéaste américain Oliver Stone annonce la production prochaine d'un film biographique intitulé The Emir Abd el-Kader, qui sera réalisé par Charles Burnett40, néanmoins, le projet de réalisation est gelé en 201741

La bourse « Abd el-Kader » est une bourse post-doctorale de l'Institut des hautes études en culture de l'Université de Virginie42.

Descendance
Au début du xxe siècle, les fils d’Abdelkader exilés en Syrie, étaient au nombre de neuf, les filles de cinq, mariées à des cousins. Son fils Hachem rentre en Algérie en 1892 et  meurt à Bou Saâda en 1900, laissant deux fils dont l’un, Khaled, qui jouera un rôle politique important en Algérie43.

Des huit autres fils de l’Emir, deux seulement demeurent sujets français, dont Omar qui sera exécuté à Damas pour trahison. Les autres fils adoptèrent la nationalité turque. L’aîné Mohamed et son frère Mohieddine deviennent des sénateurs de l’Empire ottoman43. Son autre fils, Abdelmalek, a eu une carrière mouvementée, il intègre l’armée ottomane, puis gagne Tanger en 1902. Il rejoint la rébellion de Bouamama, puis il devient inspecteur général de la police chérifienne à Tanger. Avant de rejoindre en 1915, Raissouli, le chef rebelle, dans le Rif, au milieu des tribus hostiles à la France43. Le sixième fils d’Abdelkader, Abdallah, est arrêté en 1909 pour complot contre la Constitution ; il échappe à la pendaison grâce à l’intervention de l’ambassade de France et retourne à Damas43.

L’émir Ali, chef du clan ottoman de la famille est le seul à avoir eu un rôle politique de quelque importance en Syrie, son influence est considérable à Damas et dans toute la Syrie. Il a épousé la sœur d’Izzet Pacha. Il parvient à se rapprocher du gouvernement des Jeunes Turcs et devient Président du comité « Union et Progrès » de Damas. Quand les Italiens en 1911 entreprennent la conquête de la Tripolitaine, la Porte charge Ali Pacha d’organiser la résistance des tribus arabes. Ensuite, il devient député de Damas en 191343. Son fils Saïd, alimente une campagne de presse dans le Raî el Aâm et le Mouhadjir contre la politique française en Afrique du Nord43.

Après sa mort, ses descendants continuent de percevoir une pension du gouvernement français. En 1979, la Cour des comptes relève que ses descendants perçoivent encore cette rente (1,3 million de francs par an), qui est supprimée depuis44.

L'émir Khaled commence par une carrière de soldat dans l'armée française, puis entame une carrière politique et milite activement pour l'indépendance de son pays. L'émir Khaled est considéré comme le premier fondateur du nationalisme algérien45.

Un des descendants d'Abdelkader est par ailleurs confronté à Lawrence d'Arabie au cours de la révolte arabe de 1916-1918.

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