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Monseigneur Paul Desfarges, Archevêque de l’Église d’Alger “La citoyenneté permet une réelle unité du pays av

Publié le 06/01/2021
"Liberté"Par M. IOUANOUGHENE le 06-01-2021 10:30 Monseigneur Paul Desfarges, Archevêque de l’Église d’Alger La citoyenneté permet une réelle unité du pays avec toutes les différences”
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Monseigneur Paul Desfarges, Archevêque de l’Église d’Alger
“La citoyenneté permet une réelle unité du pays avec toutes les différences”






“La citoyenneté évitera l’instrumentalisation politique de la religion qui est toujours une source de tension et parfois de violence. Il me semble que le Hirak porte aussi ce désir de citoyenneté”, soutient Mgr Paul Desfarges. Tout comme il considère que “la religion n’est pas, en soi, un barrage contre les libertés individuelles et l’émancipation citoyenne. Au contraire, elle est source de paix intérieure et appelle au respect de tous à cause de sa dignité de créature”. Mais il nuance son propos en précisant que “la religion peut devenir idéologie, système religieux”, ce qu’il appelle “une maladie de la religion”.

Liberté : Il y a quelques jours disparaissait Henri Teissier, ancien archevêque d’Alger. Qu’inspire son itinéraire algérien, lui qui était une figure de la chrétienté ?
Mgr Paul Desfarges : Mgr Teissier a été, au côté du cardinal Duval et à sa suite, un guide pour notre Église. C’est de lui dont j’ai entendu, pour la première fois, l’expression : “Une Église pour un peuple musulman.” Il a servi la vocation de notre Église d’être une Église de la rencontre et de la fraternité avec tous. C’est ce qu’il vivait au quotidien. Il avait un intérêt pour la vie de chacun, de chacune, qu’il rencontrait comme s’il (elle) était seul (e) au monde. C’est la vie des autres qui comptait pour lui.

Pour lui, comme pour nous avec lui, notre communauté chrétienne n’est pas centrée sur elle-même, mais attentive à tous les services qu’elle peut rendre dans le pays où elle est implantée. Il a aussi beaucoup œuvré à ce que l’on appelle le dialogue interreligieux, en particulier entre chrétiens et musulmans. Il croyait, parce qu’il la vivait, à la fraternité des croyants. Nous désirons continuer sur ce chemin si bien tracé.

Le regard des Algériens à l’égard de la communauté chrétienne a-t-il évolué avec le temps et dans quel sens ? Celui de l’acceptation ou du rejet ?
Je crois que le regard des Algériens vis-à-vis de la communauté chrétienne est largement positif. L’Algérie est un pays d’accueil, et ici nous nous sentons accueillis. Je note, cependant, une évolution. Je parle ici de notre Église catholique. L’Église n’est plus française, mais de plus en plus universelle, composée de gens venant des cinq continents, y compris parmi les pères et les sœurs, et venant de plus en plus de l’Afrique subsaharienne. Il y a, certes, quelques attitudes racistes, mais qui, avec le temps et la bienveillance, peuvent être dépassées.

Nous avons à vivre la fraternité universelle d’abord entre nous pour bien la vivre avec tous. Sans faire aucun prosélytisme, notre Église accueille aussi quelques enfants du pays, des Algériens, qui veulent suivre Jésus. Ils viennent d’eux-mêmes, suite à une recherche spirituelle personnelle, souvent à la suite de rêves. Nous prenons le temps pour vérifier l’authenticité de leur démarche. Pour ces nouveaux disciples de Jésus, la relation est parfois difficile, et je le comprends très bien, avec ceux des proches qui sont dans la confidence. Il peut y avoir du rejet. Mais là encore, avec le temps, les relations peuvent s’apaiser. Il s’agit, toutefois, d’un très petit nombre. Le plus important reste pour nous la rencontre spirituelle entre croyants, entre priants.

Comment jugez-vous le rapport entre l’Église catholique d’Algérie et les institutions musulmanes ?
Nous avons de très bonnes relations avec notre ministère de tutelle, le ministère des Affaires religieuses, qui est le ministère de toutes les religions.
Le support juridique de notre Église étant l’Association diocésaine d’Algérie (ADA), nous avons des relations avec le ministère de l’Intérieur qui a permis une bonne mise en conformité de notre Association avec les lois sur les associations. Nous avons parfois des difficultés pour obtenir des visas pour le personnel de l’Église. Mais pour le moment, comme tout le monde, nous sommes dans l’attente de la reprise des vols internationaux ordinaires.

Pensez-vous que l’Algérie assume pleinement son héritage chrétien ?
Je constate une heureuse évolution. Le passé chrétien de l’Algérie est de plus en plus connu et assumé grâce à un de ses enfants célèbres, saint Augustin. Le grand colloque international sur saint Augustin initié par le président Bouteflika a joué un grand rôle.

Les importantes ruines romaines parlent du passé chrétien de l’Algérie, en particulier des premiers martyrs chrétiens qui remontent au 2e siècle, à Annaba et à Lambèse. Plus récemment, il y a aussi les nombreuses visites d’Algériens à Tibhirine qui attestent l’accueil d’un passé récent.

Comment concevez-vous le vivre-ensemble ? Est-ce dans une cohabitation communautaire ou plutôt dans un esprit de citoyenneté ?
Je crois que l’avenir de nos pays du Maghreb et du Proche-Orient est à la citoyenneté. Je constate combien les Algériens, tous les Algériens, aiment leur pays, et cet amour du pays est ce qui les unit le plus. La citoyenneté permet et permettra une réelle unité du pays avec toutes les différences qui le traversent. Elle facilite le respect de chacun dans sa croyance, dans sa manière de vivre sa religion ou sa non-religion.

J’entends des personnes qui demandent la liberté de croire ou de ne pas croire. Ils veulent surtout vivre leur religion de façon libre et non imposée. La citoyenneté évitera l’instrumentalisation politique de la religion qui est toujours une source de tension et parfois de violence. Il me semble que le Hirak porte aussi ce désir de citoyenneté.

Quel regard portez-vous sur l’expression de la religiosité en Algérie ?
J’ai un grand respect pour la religiosité populaire. Je me joins facilement à ces expressions populaires de la religion. J’aime venir prier au milieu de toutes celles, de tous ceux musulmans, chrétiens, chercheurs de sens à leur vie, qui montent à la Basilique Notre-Dame d’Afrique se recueillir auprès de la Vierge Marie. Ils déposent un lumignon, demandent l’intercession de Marie. Marie accueille chacun et obtient des grâces pour tous ses enfants sans faire de différence.

Dans quelle mesure la religion peut-elle être un barrage contre les libertés individuelles et l’émancipation citoyenne ?
Pour moi, la religion n’est pas en soi un barrage contre les libertés individuelles et l’émancipation citoyenne. Au contraire, elle est source de paix intérieure et appelle au respect de tous à cause de sa dignité de créature. Mais la religion peut devenir idéologie, système religieux. J’appelle cela une maladie de la religion.

Ce n’est plus le souffle intérieur, l’amour, qui guide, mais la contrainte extérieure. J’invite chacun à lire ou relire le grand document signé par le pape François et le grand imam de l’université El-Azhar du Caire : “La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune”. Ce document commence ainsi : “La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer.”

Dans la nouvelle Constitution, l’article consacrant la liberté de conscience a été supprimé. Cela vous inquiète-t-il ?
La suppression de cet article m’a beaucoup peiné et attristé. Cela m’inquiète et je n’en comprends toujours pas la raison. Je crois que la conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et avec le plus intime de lui-même. Chacun est appelé à vivre en fidélité à sa conscience profonde.

Écouter sa conscience profonde est le chemin de la liberté intérieure. Elle nous rend attentifs au meilleur de l’autre. Je pense que cet article retrouvera un jour sa juste place, avec aussi un article sur la liberté religieuse. Je crois que l’Algérie profonde y aspire. L’Algérie est le peuple du vivre-ensemble en paix.


Propos recueillis par : MOHAND IOUANOUGHÈNE



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