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«Ne plus former pour former»

Publié le 17/04/2021
«Ne plus former pour former»Abdelbaki Benziane, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, au Soir d’Algérie :
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LA POUSSIÈRE SOUS LE TAPIS

Les Commentaires


Entretien réalisé par Nawal Imès
Avec pas moins de 400 000 diplômés par an qui ne trouvent pas tous le chemin vers l’emploi, le secteur de l’enseignement supérieur fait face à de nombreux défis. Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Abdelbaki Benziane, évoque, dans cet entretien, la loi d’orientation mais également la révision de la nomenclature des formations, l’avenir du système LMD et celui de l’UFC.

Le Soir d’Algérie : Vous êtes à la tête du secteur de l’enseignement supérieur depuis juin dernier. Quel état des lieux en faites-vous ?
Abdelbaki Benziane : Je suis arrivé à la tête du secteur fin juin 2020. Ma première démarche, c’était d’établir un état des lieux du secteur et de voir quelles sont les priorités à engager immédiatement, et quelles sont les actions à mener à moyen et long terme. Parmi les priorités, il fallait définir les défis qui attendent le secteur, à savoir celui de l’amélioration de la qualité, l’amélioration de la qualité de la recherche et, enfin, la qualité de la gouvernance. Les deux autres grands défis sont l’employabilité des diplômés dont le nombre grossit chaque année et, enfin, l’ouverture sur le secteur socioéconomique et l’ouverture sur l’international. À partir de ces défis, nous avons arrêté un plan d’action qui devait prendre en charge ces différentes préoccupations à court, moyen et long terme. Mais à côté, nous avions un autre défi, celui de la pandémie de Covid-19 à laquelle il fallait réserver beaucoup plus de temps, du fait que nous n’avons pas clôturé l’année universitaire 2019-2020. Il fallait la clôturer.
À mon arrivée, nous étions en plein questionnement sur la manière de clôturer l’année universitaire. Nous avons arrêté un plan d’action qui nous a permis de clôturer l’année universitaire et aussi prendre les dispositions pour pouvoir entamer la nouvelle rentrée 2020-2021.

Qu’est-ce qui manque à nos universités pour qu’elles soient enfin performantes ?
L’état des lieux nous montre que nous sommes capables de relever les défis. Il m’a été permis de le vérifier lors de mes sorties sur le terrain. J’ai fait vingt wilayas. Cela m’a permis de réceptionner des infrastructures pédagogiques et de recherche et des œuvres universitaires, mais aussi de rencontrer la communauté et de discuter de vive voix pour savoir quels sont les problèmes et les contraintes rencontrés et connaître leur vision en matière d’enseignement supérieur. Ce sont ces sorties qui ont permis de préparer la nouvelle loi d’orientation de l’enseignement supérieur.
En allant sur le terrain, nous avons d’abord constaté que nous communiquons mal, en dépit de l’existence de départements de communication dans les universités. Nous n’arrivons pas à valoriser notre potentiel autant infrastructurel, technique qu’humain, alors que tout est construit autour du capital humain. Nous avons pourtant des compétences, et notre objectif, c’est de restructurer toutes ces compétences autour de projets structurants qui puissent pousser le secteur de l’enseignement supérieur vers un meilleur destin, que nous avons pu constater. Mais nous avons aussi constaté la valorisation de ce qui se fait et l’ouverture sur le secteur économique. Nous sommes en train de faire connaître notre secteur auprès des pourvoyeurs de fonds et d’emplois pour nos diplômés, puisque nous produisons chaque année 400 000 diplômés. C’est très important d’ajuster nos formations en fonction de la demande du marché. Nous ne pouvons plus former pour former, mais nous devons faire un travail de reconstruction de nos formations pour pouvoir répondre aux besoins du marché, et ce dernier touche aussi bien la famille des sciences expérimentales que les sciences sociales.

Ces problématiques trouveront-elles des solutions dans le cadre de la loi d’orientation ?
C’est justement le but. C’est une rupture avec l’ancienne loi. Elle a été discutée largement, tant par les enseignants que par les partenaires sociaux et les étudiants. Nous l’avons largement diffusée, et nous avons veillé à ce qu’elle soit bien discutée pour pouvoir corriger les dysfonctionnements constatés et les introduire dans la loi. Nous l’avons voulu très ouverte et qu’elle prenne en compte tant les mutations nationales qu’ internationales que connaît l’enseignement supérieur. C’est pour cette raison que la loi est évolutive, dynamique, ce qui permet de s’adapter aux mutations. Nous avons pensé à une loi qui puisse prendre en compte des préoccupations jusqu'à 2030 à 2035. Nous avons pensé à tout : université publique, privée, innovation, partenariat, les brevets, la création de filiales. Nous avons renforcé la formation d’ingénieurs dans les universités pour renforcer le potentiel. Nous ne sommes plus dans une vision statique mais dynamique. Le secteur évolue à travers le monde, et nous devons avoir plus de flexibilité puisque nous allons vers une autonomie des établissements et donner plus de flexibilité. Et à partir de là , donner plus de poids aux décisions prises par les responsables locaux qui devront savoir s’adapter, chacun, au contexte dans lequel évolue son établissement. Chaque wilaya a ses spécificités, et donc nous demandons aux chefs d’établissements, aidés par les instances pédagogiques, scientifiques et administratives, de s’inscrire dans cette vision futuriste qui prend en compte les besoins de l’entreprise issus aussi bien des mutations locales que mondiales.

Peut-on imaginer un nouveau mode de gestion où les recteurs seront élus ?
Nous commençons par la loi. Elle va définir le cadre général. On pourrait voir la possibilité peut être pas qu’un recteur soit élu, mais désigné sur la base d’un projet. Nous encourageons le projet d’établissement et donc, une équipe peut être choisie sur la base d’un projet et de l’orientation vers son propre environnement. Il s’agit d’un projet qui doit être conçu par une communauté. Le recteur ne sera pas seul, il ne va pas diriger seul. C’est pour cela que les futurs responsables doivent avoir une double dimension, pédagogique et managériale. Il est censé gérer une communauté et la faire adhérer à un projet. Toute la question est là : comment faire adhérer une communauté à un projet. C’est cela notre démarche si nous voulons que notre université puisse créer de l’émulation entre établissements. Ces derniers ne peuvent pas être gérés de la même manière. Une université qui produit bien, qui publie et qui arrive à s’intégrer dans son environnement et qui produit des brevets, pourra être identifiée par rapport à d’autres qui sont en retard, et elle pourra aussi pousser les autres universités vers le meilleur.

Quelle place pour le LMD dans cette nouvelle vision ?
Le système LMD, lorsque nous l’avions mis en place, nous ne l’avions pas fait dans sa totalité. On l’a mis en place en 2004, mais il a fonctionné pendant sept ans avec le système classique. Aucune expérience n’avait été faite ainsi. C’était très difficile d’assurer un système classique et un système LMD, et demander aux enseignants d’assurer les deux et apporter des performances dans les deux. C’est l’un des dysfonctionnements que nous avions constaté. En 2008 et 2016, il y avait eu une évaluation et en écoutant aussi bien les enseignants, les étudiants et l’environnement, nous avons proposé des pistes de solutions dans la loi.

La nomenclature des formations est donc également appelée à changer ?
Oui, nous travaillons en étroite collaboration avec notre environnement pour permettre la mise en place de changements importants. Ils doivent intervenir également dans la nomenclature des métiers actuels et à venir. Nous devons dès maintenant y réfléchir. On n’attend pas que le métier apparaisse pour produire des diplômes. Nous devons y penser dès maintenant, et c’est pour cela justement que nous avons signé un certain nombre de conventions avec le secteur économique. On continue de le faire avec le secteur privé.
C’est cette ouverture tous azimuts, faire connaître les acquis et les avantages en technique, en équipements et infrastructures, que nous pouvons mettre au service du secteur économique dans cette phase cruciale où nous sommes en train de rationaliser nos moyens et compter sur les compétences locales. C’est un travail de longue haleine, mais nous sommes déterminés à y arriver.

Et les sciences sociales, auront-elles toute leur place ?
Bien sûr ! Nous considérons que les universités, c’est un tout. La reconstruction des filières ne concerne pas que la technologie, elle concerne également les sciences sociales. Nous devons orienter nos formations. Je connais les contraintes de sciences sociales. Nous avons besoin de cadres pour accompagner la nouvelle vision, mais les sciences sociales viennent en appoint et en accompagnement. Il n’y a qu’à voir l’introduction du management, de la sociologie et la psychologie dans plusieurs filières. Nous considérons qu’il est utile pour un technologue de maîtriser tous ces outils. Il s’agit de deux grandes familles qui se complètent.

L’université de la formation continue que deviendra-t-elle ?
Nous sommes en train d’y penser. On a mis en place un groupe de travail. L’UFC recèle des compétences qu’il faut capitaliser. Nous sommes en train de réfléchir sur les perspectives de cette université à l’ère du numérique et de l’enseignement à distance. Il faudra réfléchir à la dimension virtuelle de cette université. On est parmi les quelques pays qui n’ont pas d’université virtuelle. Il est important de réfléchir autour de cet axe. Le groupe de travail va nous faire des propositions que nous allons étudier. Si elles sont conformes à la dimension stratégique que nous développons, nous préparerons un plan d’action. Il faut que l’UFC fasse sa mutation. Nous devons suivre ce qui se fait ailleurs.

L’enseignement à distance est également appelé à être pérennisé ?
Nous ne pouvons plus fonctionner qu’avec le présentiel. Voici une pandémie qui est venue nous dire qu’on ne peut plus fonctionner comme avant, et heureusement que l’enseignement à distance a plus ou moins compensé l’année. Sans l’enseignement à distance, on n’aurait jamais pu terminer l’année, ni encore moins entamer une nouvelle. 1,6 million d’étudiants, 109 établissements et il fallait s’assurer que les étudiants terminent leur année, soient bien pris en charge dans les résidences, et que le transport soit assuré. Nous avons géré des étudiants en vagues et même le transport interwilaya par nos propres moyens lorsque ce dernier était gelé. C’est tout cela qui nous a permis d’entamer la nouvelle année. Sans l’enseignement à distance, on aurait été contraint de reporter l’année, avec les conséquences dramatiques sur l’étudiant et sa famille.
Finir l’année, c’était une contrainte immédiate. Face au Covid-19, nous n’avions pas le temps. Les étudiants étaient perplexes. Il fallait aller sur le terrain, convaincre que c’était ce choix-là qu’il fallait faire. On a multiplié réunions et sorties sur le terrain. Nous avions dit que nous allons entamer quelque chose de nouveau, et qu’il fallait être compréhensif face aux difficultés. C’était une expérience algérienne et elle a permis à l’université de rester ouverte depuis le 23 août, et nous avons relevé de grands défis, à savoir clôturer l’année, organiser la nouvelle rentrée avec l’inscription des 280 000 nouveaux étudiants, plus la problématique des 2500 doctorats à organiser avec un effectif de 670 00 inscrits. Il fallait organiser tout cela, en veillant au respect du protocole sanitaire. C’est pour cela que je dis que l’université a pu faire face à ce défi grâce à l’implication de tous.

Votre dernier post au sujet du doctorat a déçu les concernés. Qu’avez-vous à leur dire ?
J’ai voulu expliquer que le doctorat est tout un dispositif. Certains pensent qu’on peut créer des postes comme on veut. Cela obéit à certaines règles pédagogiques et scientifiques. La règle immédiate, c’est l’encadrement de rang magistral. Ce n’est pas n’importe quel enseignant qui peut encadrer. L’encadrement de rang magistral en Algérie est de 36%. On ne peut pas s’amuser à prendre n’importe quel nombre.
Nous avons pris 7 522 postes que nous avons créés dans un cadre scientifique avec des instances régionales et nationales qui ont évalué et arrêté un certain nombre de postes qui ont été mis à la disposition de la communauté. Cette dernière savait dès le départ combien de postes il y avait, et quelles sont les matières dans lesquelles le candidat devait composer. Nous avons donné la possibilité au candidat d’avoir quatre choix pour postuler. Le concours étant national, il pouvait postuler dans n’importe quelle ville. C’est ce qui explique le nombre de postulants qui est de l’ordre de 670 000.
À ceux qui demandent d’accepter ceux qui sont en quatrième ou cinquième position, je réponds ceci : et ceux qui sont en sixième, puis en septième position ? Autre élément d’éthique très important : quand on connaît les résultats et on demande des postes, on remet en cause le principe de l’équité et tout le principe du doctoral. Les postes sont ouverts avant et pas après. La proclamation des résultats est définitive. Ceux qui sont en quatrième, cinquième ou sixième position sont certes de bons candidats, mais en fonction des postes disponibles, on choisit les meilleurs des meilleurs. Nous sommes contraints de nous conformer au nombre de postes ouverts.
Le concours est basé sur des principes d’équité et d’égalités des chances que nous ne pouvons pas remettre en cause. Nous avons reçu une délégation des concernés, mercredi, à laquelle nous avons expliqué tout cela, en rappelant qu’il n’y a pas de limite d’âge pour passer le concours et que les recalés peuvent le repasser.
La tendance est à la confusion au sujet du LMD, comme si c’était un système qui évoluait en tube, alors que le D, c’est l’excellence. On est obligé de sélectionner, c’est ce qui explique que la rentrée en formation des doctorants a été faite de manière séparée, de sorte à préciser qu’il s’agit du dernier diplôme de l’enseignement supérieur, et que nous devions veiller à l’excellence et la qualité. J’y crois beaucoup, c’est pour cela que je me suis adressé aux futurs docteurs pour leur dire ce qui est attendu d’eux, à savoir la rigueur scientifique.

Où en est le dossier de la réforme des œuvres universitaires ?
Le dossier est finalisé. Il va être soumis aux hautes autorités de l’État, puisqu’il s’agissait d’une lettre de mission. Le groupe de travail est formé de gestionnaires, de spécialistes en économie et en sociologie, et de représentants du ministère. Pour l’instant, nous sommes dans la vision. On engagera les débats une fois que la vision est arrêtée, et on traduira cela en programme d’action, et c’est à partir de là que nous nous réunirons avec les partenaires, les étudiants et débattre des scénarios. La vision est l’affaire des spécialistes. On a fait des études comparatives avec des pays qui utilisent le principe des bourses et des soutiens, et aussi de système de prêts et de subventions. On fonctionne avec le système de subventions depuis 1971, et on a mis en place des modes d’organisation qui ont montré leurs limites. Nous sommes contraints de gérer avec ces limites-là.
Dans un premier temps, nous sommes en train d’améliorer la gouvernance, mais dans un système qui reste le même. Il y a la dimension gestion qui est importante. Avec les mêmes moyens, la prise en charge n’est pas la même. Même si on ne change pas le système actuel, on peut améliorer la gouvernance et les prestations. Si nous devons changer de système, on change de mode de gouvernance. Nous avons fait un état des lieux des 440 résidences universitaires, et nous avons constaté que tout n’est pas catastrophique. C’est 20% des résidences qui sont dans un état catastrophique. Il faut une évaluation juste. Nous avons arrêté un programme d’action pour la réhabilitation de certaines résidences universitaires. Nous sommes en train de déplacer les étudiants des cités délabrées vers d’autres avec des conditions meilleures. Dans les villes où il n’y a pas beaucoup de tension, nous avons donné des instructions pour placer un étudiant par chambre, au moins pour ceux qui préparent leurs mémoires et qui ont besoin de conditions meilleures pour travailler.
N. I.




«Ne plus former pour former» il a trouvé ça tout seul!...lui ...Avec pas moins de 400 000 diplômés par an qui ne trouvent pas tous le chemin vers l’emploi!.
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