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Annaba: L’ignorance, fléau du patrimoine à Annaba

Publié le 23/11/2013
La découverte, lors de terrassement dans l’assiette du projet Sheraton, de restes humains rappelle combien le patrimoine historique de la ville est méconnu, ignoré, abandonné et martyrisé. Le parc archéologique de Hippone est devenu une poubelle et une tanière de sangliers quadrupèdes et bipèdes. La Madina historique, Bûna, s’effondre maison par maison (voir ma contribution « L’agonie du centre historique de Bûna- Annaba »). Mémoire du système défensif de la ville et de l’hommage fait à des hommes et femmes de science enterrés dans une nécropole, appelée « cimetière des savants », autour de sept coupoles (kubba), le djebel Abed est sans cesse martyrisé par des interventions sauvages : d’abord du colonialisme, puis par des destructions répétées actuellement des vestiges restants. Le complexe défensif , le Ribât, sis sous la mosquée Abû Marwân escamoté car son espace est privatisé par des squatteurs de la voie qui y accède ; il se disloque. La liste est longue. Après la « pouillonnade » qu’est le « Plazza-Seybouse », qui a fait « reculer » la dernière kubba, et détruire des tombes, le chantier de l’hôtel « Sheraton » apporte, aujourd’hui, son lot de déni du patrimoine annabi. Il a commencé par achever la prédation entamée par le chantier du « Plazza-Seybouse », en liquidant ce dernier témoin des « Sept dormants », et poursuit en dérangeant « le sommeil des tolbas ». Attila n’aurait pas fait mieux ! Voici comment un témoin de l’expédition toscanofrançaise contre notre ville, en 1607, décrit ce cimetière : « Au chemin de [la forteresse (Citadelle des Caroubiers)] qui y va de la ville, il y a des tombeaux et monuments mauresques sur une petite colline, lesquels sont plus superbes les uns que les autres selon la qualité de ceux qui y sont enterrés. Les aucuns mêmes sont vergers et jardins délicieux et récréatifs enclos de bas murs, au milieu desquels le lieu où gît le mort est relevé en forme de petit dôme de pierre plus blanche que neige et qui semble être de fin argent aux rayons du soleil. » (« Les estraines royales » ; Annaba 2002 ; p.146) Ce texte pourrait bien constituer une plaque commémorative à ériger sur le site de ce cimetière ! Pourquoi cet acharnement destructeur de la mémoire d’une ville plus que bi-millénaire ? Notre Ecole n’apprend pas les éléments fondamentaux de l’édification de ce patrimoine. Aucune sensibilisation des élèves, des jeunes et des adultes à leur patrimoine. Ajouter à cela la diffusion du wahhabisme, négateur de patriotisme et de mémoire historique et patrimoniale. Cette ignorance accompagne les différentes étapes de la vie du citoyen. Cette ignorance affecte, par conséquent, les responsables locaux : qu’ils soient gestionnaires exécutants, ou exécutifs élus locaux. Il serait intéressant d’organiser un sondage auprès des différentes générations d’élus communaux, notamment ceux ou celles qui ont eu la charge de la vice-présidence de la culture, pour savoir combien ont visité une fois le site et le musée de Hippone ! Le résultat sera ahurissant. Il faudrait, peut-être, faire passer un test, éliminatoire, de connaissances de l’histoire de la Commune aux candidats aux élections municipales ! Car notre patrimoine n’est pas du matériau figé, de la terre et des cailloux ; à ces matériaux collent les corps et les âmes des multiples générations d’ancêtres qui nous entourent et nous accompagnent de leur éternité. Les ignorer, c’est se renier soit même. Car l’édile gère le présent de la ville en s’appuyant sur le passé historique pour fonder l’avenir. Cette ignorance affecte les études des projets. A r c h i t e c t e s , ingénieurs et décideurs ou bien zappent un élément des études : la consistance historique, archéologique et naturelle de l’assiette, ou bien, sciemment, la violent. Deux exemples dans notre région : ce qui vient de se produire dans le projet Sheraton, et les dévastations provoquées par le projet de l’autoroute dans le Parc National d’Al Kâla, unique en son genre, (micro climat tropical), en Afrique du Nord. Pour le Sheraton et pour l’autoroute, sont-ce des architectes et des ingénieurs nationaux qui ont contribué à la confection des projets ? A moins que cela soit à l’image du déroulement des chantiers : les constructeurs sont exclusivement étrangers (à l’origine « on cherchait le savoir même en Chine », aujourd’hui on fait venir même le terrassier de Chine !!) ; les Nationaux se contentent d’être des gardiens ! Les gestionnaires communaux, par ignorance et par paresse, se déchargent en matière de patrimoine sur les services spécialisés, ou plutôt sur les bureaux dans les directions de la culture qui dépendent du ministère chargé du patrimoine. Une situation commode pour nos élus : ils suivront les interventions de ces bureaux si elles leurs conviennent ; mais en fait, ils les ignorent. Du reste, ces services de la direction de la culture se comportent bureaucratiquement ; ils ne sont pas opérationnels. Plus grave encore, les découvertes sont occultées et souvent détruites. Qu’on se rappelle le déplacement (!!!) d’une nécropole antique découverte sur le tracé de l’autoroute dans la commune de Charchar, sur la route de Constantine. Or la Commune est le premier concerné par le patrimoine de son espace géographique. La conscience lui en fait un credo et même une mystique ; la loi lui en fait obligation (Décret 1982). Ce ne sont ni le Plazza, et encore moins le Sheraton qui définissent le patrimoine civilisationnel et culturel de Hippone-Bûna- Annaba. Hippone-Bûna est membre, depuis 1989, du groupe des « Cent sites méditerranéens », dans le cadre d’un Plan Bleu méditerranéen pour le patrimoine. Les mairies ( o u municipalités ou communes) qui abritent ces sites historiques des deux bassins de la Méditerranée, sont dotées d’un service historique. Ce service historique, animé par des historiens, des archéologues, et des architectes spécialisés dans le patrimoine, veille sur la protection, la conservation du patrimoine existant, et organise des fouilles de sauvetage en cas de découverte fortuite. Nous n’avons rien qui ressemble à cette organisation. Au niveau de l’Office communal de la culture, on s’occupe de pseudo-culture, mais point de patrimoine. Il y a un service technique communal qui aurait pu abriter une structure de veille sur le patrimoine ; rien non plus à ce niveau. Depuis deux décennies, la majorité des élus communaux ont suivi des études supérieures. On se serait attendu à une connaissance profonde de l’histoire de leur ville et de son patrimoine. Mais malheureusement, ils ont été décevants quant à ce domaine. Le résultat est là : le patrimoine historique de la ville, et même du territoire de la wilaya, part en lambeaux. Jusque là, c’est en « pompiers » ou en protestataires incapables et impuissants que les responsables locaux ont agi (Crime contre la dernière Kubba des Sept Dormants). Or, pour ce qui reste, c’est une action d’anticipation urgente qu’il faut mettre en branle. Avec l’accord des instances supérieures, l’Assemblée populaire communale, est en devoir de mettre en place les instruments de protection, de conservation du patrimoine et de blocage de tout projet qui ne prend pas en considération le patrimoine connu ou fortuitement découvert, à l’instar des autres municipalités méditerranéennes.

L'EST - 23/11/2013 -
Contribution du Prof. Sa
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